Mélanie Hivert, responsable territoriale et chargée du dossier à la MSA de Maine-et-Loire nous explique sa genèse et son fonctionnement.
D’où vient l’idée de «Saisons en Anjou» ?
Le Maine-et-Loire est le premier département français employeur de salariés saisonniers. La diversité des productions animales – et surtout végétales – génère une grande richesse d’activités et de métiers.
Dans ce contexte, la durabilité et la qualité de l’emploi constituent un réel enjeu pour des contrats de courte durée.
L’histoire commence à la fin des années 1990 : les arboriculteurs les plus éloignés des villes ont du mal à recruter. L’agglomération d’Angers dispose d’un potentiel de main-d’œuvre, mais les problèmes de déplacement apparaissent comme un frein important au recrutement des saisonniers agricoles.
Un dispositif est alors engagé pour rapprocher l’offre d’emploi de la demande. Un transport vers les vergers des zones rurales est mis en place. L’opération « Mobilité » est née en mobilisant des financements communautaires avec le Fonds social européen. Au début des années 2000, « Saisons en Anjou » émerge dans la continuité de cette opération. Il s’agit de reconnaître le rôle clé de salariés saisonniers dans la qualité des produits et la pérennité des entreprises agricoles.
Ce projet est alors devenu le creuset d’un partenariat à la fois social, économique et territorial associant la chambre d’agriculture, la MSA, le Pays de Loire en Layon, le Pays des Vallées d’Anjou, la mission locale Layon-Lys-Aubance, le centre national de la promotion horticole, le comité d’expansion économique et l’association départementale pour l’emploi et la formation en agriculture (Adefa). Les acteurs sont multiples, leurs préoccupations se rejoignent en un véritable projet de développement local.
Dans ce grand chantier, la MSA va plus particulièrement se pencher sur l’organisation familiale des personnes accédant à l’emploi. Des études de terrain diagnostiquent que trois conditions préalables sont nécessaires : l’accueil de leurs jeunes enfants, leur propre déplacement et leur hébergement.
Quel est l’actualité du projet ? Les points qui ont bien fonctionné, ceux qu’il faudrait relancer ?
Le projet a permis de structurer un réseau de 36 partenaires signataires de la charte de l’emploi saisonnier agricole aux côtés du Conseil départemental. Un site dédié a été également créé : www.emploi-saisonnier49.fr. Il met en avant toutes les dimensions de l’emploi agricole, tant pour l’employeur que pour le salarié. Ce site apporte des éléments ressources à la fois sur la vie dans l’entreprise depuis le recrutement jusqu’à la fin de contrat, en passant par la santé sécurité au travail ainsi que sur les conditions favorisant le recrutement (mobilité, organisation familiale, logement et formation).
Actuellement, le collectif « Saisons en Anjou » est animé par l’Adefa et les partenaires se réunissent une à deux fois par an pour promouvoir des actions spécifiques (stand au salon des productions végétales Sival organisé chaque année à Angers, promotion des outils en ligne). Grâce à ce dispositif, les employeurs ont pris en compte l’importance de l’accueil des travailleurs et contribuent à leur parcours professionnel en évaluant les compétences acquises au cours de la saison. Il permet ainsi au salarié de valoriser ses acquis auprès d’autres employeurs et de se projeter ailleurs. Si la dimension emploi et formation est bien prise en compte avec des partenaires engagés, il est en revanche plus difficile d’agir sur les territoires pour mobiliser tous les acteurs autour des problématiques de déplacements, de garde d’enfants et de logements.
Quelle a été la plus-value de la MSA ?
Le principe du projet de prendre en compte le salarié dans sa globalité est aussi au cœur du fonctionnement de la MSA et son guichet unique. Trois services ont contribué à l’émergence de la charte de l’emploi saisonnier : la santé au travail, la prévention des risques professionnels et l’action sanitaire et sociale. La MSA de Maine-et-Loire a notamment été pilote d’une action locale visant à améliorer la prise en compte du travail saisonnier sur un territoire du département.
Cette action a permis d’accompagner deux entreprises horticoles dans la mise en œuvre la charte et de travailler à la mise en réseau des acteurs locaux de l’emploi et de l’insertion, des élus MSA et d’entreprises viticoles. L’institution est également venue en appui au pilotage départemental du projet en mettant à disposition une personne ressource pour le suivi administratif, financier et méthodologique. Après avoir initié le projet et contribué à sa structuration, elle se positionne aujourd’hui en tant que relais, aussi bien auprès des saisonniers que des employeurs de main-d’œuvre (mailings auprès de nos adhérents et newsletters).
Sociologie du saisonnier
Pour certains, l’emploi saisonnier constitue un appoint ponctuel. Pour d’autres, c’est un métier à part entière. Les périodes d’activités peuvent se cumuler tout au long de l’année et permettre d’acquérir un réel savoir-faire en production agricole. Cette expérience peut être valorisée dans un autre secteur d’activité ou permettre de constituer un planning « d’emplois saisonniers » tout au long des saisons ou encore accéder à un emploi permanent. On retrouvera chez les salariés du Maine-et-Loire des trajectoires, des projets professionnels et objectifs de vie différents, construits par choix ou résultats des aléas existentiels.
Un travail sociologique réalisé en 2006-2007 dans le cadre d’un mémoire de fin d’études* en propose une typologie :
• Les vrais saisonniers
Ils connaissent le fonctionnement des saisons de leur territoire et s’adaptent aux différentes saisonnalités proposées par les entreprises locales. Ils viennent tous les ans, sont inscrits dans une routine et passent d’une entreprise à une autre en suivant les saisons, avec un planning établi, s’assurant ainsi une activité stable d’une année sur l’autre. Il s’agit le plus souvent d’un salaire d’appoint ou d’un travail par défaut, suite à une rupture personnelle voire sociale, même si le travail saisonnier représente un choix professionnel pour certains. Néanmoins, beaucoup ne cachent pas leur souhait de trouver un emploi plus classique et stable.
• Les saisonniers incertains
Il s’agit d’une population qui n’est pas là par choix. Ils sont le plus souvent orientés chez l’exploitant agricole par un prescripteur. Leurs motivations résident d’abord dans un besoin économique ponctuel ou de pérennisation d’un revenu minimum, mais aussi dans une volonté d’insertion professionnelle. C’est aujourd’hui une catégorie majoritaire dans le paysage saisonnier et ce d’autant plus dans le contexte de crise économique.
• L’étudiant saisonnier
Il s’agit pour eux d’un passage dans leur parcours et bien souvent de leur premier emploi. De manière générale, ils restent sur les sites de production pour une durée n’excédant pas trois mois. La rentrée universitaire se faisant plus tôt, cette catégorie a tendance à diminuer.
• La main-d’œuvre saisonnière étrangère
Ils viennent de plus en plus des pays d’Europe centrale et orientale, en particulier de Pologne. On les rencontre dans des grandes exploitations qui font appel à un nombre important de ces salariés sur un court moment.
*Gérald Guais, La Durabilité de l’emploi agricole saisonnier en question ; le cas du Baugeois-Vallée, 2007, 109 pages. Extraits consultables sur www.emploi-saisonnier49.fr