Simple comme un bon d’achat
Effectuer un diagnostic carbone de son exploitation ou de son activité va être facile à obtenir : « Il suffira d’en faire la demande », à en croire Sébastien Bouvatier, l’adjoint au sous-directeur de la performance environnementale et de la valorisation des territoires au ministère de l’Agriculture. Le système, appelé « Bon diagnostic carbone », fonctionne sur le mode d’un bon d’achat. Une simplicité voulue par ses concepteurs pour donner à cette initiative toutes ses chances d’emporter l’adhésion des agriculteurs. « Ils vont directement s’adresser aux personnes qui réalisent le diagnostic. Il n’y a pas d’avance de trésorerie. L’exploitant ne paiera que 10 % de la somme totale. Toute l’ingénierie financière de subventionnement qu’il y a derrière est transparente pour lui. » Le dispositif est subventionné à 90 %.
Analyse technique de la ferme
Après une analyse pointue de la ferme, de l’activité et de son potentiel de stockage de carbone, un plan d’actions est proposé à l’exploitant. Il va lui permettre d’un côté, de réduire les émissions de gaz à effet de serre de certaines pratiques – soit en les changeant soit en les améliorant – et de l’autre côté, de développer des solutions en faveur du stockage, un levier important dans la lutte contre le réchauffement climatique. S’il le souhaite, l’agriculteur peut se faire financer des études de la terre pour affiner ses potentialités de stockage avec des conseils agropédologiques [science relative à la constitution physique et chimique du sol cultivé, NDLR].
Six à douze mois après, un point d’étape sur les progressions ou les difficultés rencontrées par rapport aux recommandations données sera établi par le technicien qui s’est occupé du bilan et du plan d’actions. Le temps d’une demi-journée, il reviendra sur l’exploitation pour mener ce suivi en compagnie de l’agriculteur.
Vers un marché du stockage de carbone
L’agriculture peut offrir des solutions à la lutte contre le réchauffement climatique. Tout comme la forêt, elle peut contribuer au stockage du carbone tout en agissant sur ses pratiques. Dans le projet de neutralité fixé par le gouvernement pour 2050 au sein de l’Union européenne, elle a un rôle essentiel à jouer. Elle peut percevoir une rétribution. En tant que dispositif de compensation, l’outil du label bas-carbone organise cette rémunération. Il s’adresse principalement à des entreprises. Beaucoup font de la compensation. Plutôt que de réduire leurs émissions propres, elles achètent « des projets » qui stockent l’élément chimique ou qui réduisent les émissions. Par projet, il faut comprendre : un groupe d’agriculteurs prêts à s’engager sur cette question climatique. Pour ce qui est du prix, il est fixé de gré à gré et intègre des critères aussi variés que la valeur locale du projet ou le bénéfice environnemental… Le prix de la tonne de carbone va fluctuer en fonction de ces valeurs. Pour en savoir plus : agriculture.gouv.fr/quest-ce-que-le-label-bas-carbone.
Une mesure déployée en mai
Dès le mois de mai, les agriculteurs installés depuis moins de cinq ans peuvent bénéficier de ce service personnalisé : il leur faut en formuler la demande auprès de l’une des structures agréées, retenues après l’appel à projets de décembre dernier, lancé par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation et par l’agence de l’environnement (Ademe). Fin avril, la liste des 218 opérateurs habilités à effectuer ces diagnostics est communiquée. Une carte les répertoriant est publiée sur le site Internet du ministère de l’Agriculture. Le profil des organismes en question est assez varié, pouvant être aussi bien des chambres d’agriculture ou des coopératives agricoles que des associations de développement agricole, des instituts techniques et des syndicats. « À terme, ce sont près de 5 000 diagnostics qui vont être proposés sur 2021-2022 », se réjouit Sébastien Bouvatier.
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Reste maintenant à embarquer les agriculteurs eux-mêmes dans le dispositif. « La question, s’interroge Sébastien Bouvatier, c’est que fait-on pour les convaincre de s’engager dans la démarche et quel type d’accompagnement leur propose-t-on ? Aujourd’hui l’engagement climat ou le climat pour un agriculteur pris individuellement, ce n’est pas forcément quelque chose de tout à fait concret. C’est pour répondre à cette question que l’outil label bas-carbone a été mis au point : il s’agit d’un accompagnement à la transition écologique. »
Séduire et convaincre le milieu agricole
Le label permet « de rémunérer cet engagement ». Il récompense les projets orientés vers la limitation ou la compensation des rejets de carbone dans l’atmosphère. L’espoir du ministère de l’Agriculture comme de l’Ademe, c’est d’aider au déploiement de cet outil trop peu utilisé malgré ses deux ans d’existence. Le bon diagnostic carbone est peut-être sa planche de salut.
Capitalisation des données
Chaque organisme qui va réaliser un bilan devra fournir un rapport individualisé à chaque agriculteur. En parallèle, il transmettra à l’Ademe, gestionnaire de la mesure, un fichier qui capitalise les données de manière anonymisée. Celles-ci vont alimenter des systèmes d’informations du groupement d’intérêt scientifique Sol (GIS Sol), chargé de la connaissance et des études des sols de France et capitaliser sur les chiffres qui dégageront des potentiels de réduction d’émission. « Avec les partenaires, nous construisons ce fichier de capitalisation des données, confie Sébastien Bouvatier. L’objectif est de valoriser cette mesure et de recueillir des informations. Nous avons prévu de faire des restitutions de tous ces travaux sur la base de ces études pour donner envie, pour communiquer sur ce qui est possible et motiver davantage les agriculteurs. »