« Des propositions issues de l’intelligence collective »
« L’ensemble du territoire est confronté à des évolutions démographiques, économiques et sociétales structurelles et profondes. Ce constat particulièrement vérifié dans les zones rurales représente un nouveau défi auquel l’ensemble des acteurs du territoire doit répondre pour œuvrer en faveur d’une société rurale inclusive. La MSA tient à participer pleinement au déploiement de ce modèle inclusif grâce au lancement d’initiatives transversales, qu’elles soient sociales, professionnelles ou encore intergénérationnelles. Le succès n’est envisageable qu’avec la mobilisation et les compétences de tous afin de faire émerger des propositions innovantes issues de l’intelligence collective », déclare Alain Duc, président de la MSA Gironde. Il accueille, à Bordeaux, le premier des six ateliers organisés par le régime agricole pour recueillir des propositions afin d’améliorer la qualité de vie des habitants des territoires ruraux.
Une rencontre parrainée par Michel Yahiel, directeur des affaires sociales à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui a pour thème : «Quelles solutions pour une société rurale inclusive ?».
« S’attaquer à la multiplicité des facteurs d’inégalité »
La volonté est d’« aller à la rencontre des territoires et des collectivités territoriales, de les interroger, d’échanger, précise Pascal Cormery, président de la CCMSA. Le manifeste que nous écrirons à l’issue de cette concertation sera présenté au Salon de l’agriculture, notamment aux candidats à l’élection présidentielle ». Représentants de l’État, élus, partenaires institutionnels et associatifs locaux, délégués MSA… ont répondu à l’appel de la MSA Gironde. Une table ronde préalable aux échanges traite des questions de la jeunesse, de l’emploi, du maintien de l’autonomie.
« La France a des problématiques anciennes en matière d’égalité, indique en introduction Michel Yahiel. Il est normal que les régimes de protection sociale s’attachent à s’attaquer à la multiplication des facteurs d’inégalité entre les populations qui, en raison de leurs origines, de leur lieu d’habitation, de leur métier n’éprouvent pas le même type de relation avec la réussite sociale que les autres. »
« Mettre le rapport à la ruralité sur la place publique »
Nicolas Bondonneau, directeur délégué aux politiques sociales à la CCMSA, détaille en quoi l’inclusion en milieu rural représente un sujet central pour la MSA : « L’Irdes [Institut de recherche et documentation en économie de la santé] a classé le territoire français en six zones, dont celle des ̏marges rurales ». Elles cumulent les difficultés liées à la précarité, mais pas seulement. L’exclusion n’est pas qu’une donnée de revenu économique. » Il cite en effet l’éloignement par rapport à l’emploi, les difficultés d’accès aux services publics et du quotidien, à la culture, à la formation, au numérique, au logement… « Ces marges rurales couvrent un quart de la surface de la France, et un tiers des affiliés du régime agricole relève de ces zones. Face à cela, la MSA se doit forcément de réagir et de participer à un débat qui la concerne au premier chef. C’est aussi et surtout un enjeu de civilisation, du rapport entre le centre et de la périphérie. La domination de Paris sur la province n’est pas un phénomène nouveau. On est arrivé à un modèle de congestion en termes d’aménagement du territoire et de concentration économique qui est un non-sens. Nous souhaitons que la présidentielle soit l’occasion de penser et de mettre sur la place publique la question du modèle de société et du rapport à la ruralité. »
« Un logement, un accompagnement, un emploi »
Participe également à cette table ronde Stéphane Boutin, qui présente le projet qu’il conduit avec un agriculteur : « un chantier d’insertion de maraîchage en agroforesterie sur sol vivant – La Ferme Deux Bouts ». Il s’agit de l’une des initiatives lauréates de l’appel à projets Inclusion et ruralité lancé en 2020 par la CCMSA via son réseau Laser emploi, en partenariat avec le ministère du Travail et le haut-commissariat à l’emploi et à l’engagement des entreprises.
« Notre association, basée à Libourne, est active depuis l’an dernier afin de mettre en place un service d’aide à la réinsertion de personnes en difficulté. Il s’appuie sur trois piliers principaux : offrir un logement ; faire de l’accompagnement personnalisé avec des travailleurs sociaux et un réseau institutionnel et associatif local ; proposer un emploi. 16 personnes seront embauchées d’ici mai prochain. » Une inclusion rendue possible par la formation, les possibilités d’emploi en agriculture, le logement, la solidarité, l’implication d’acteurs locaux…
De nombreuses interventions ont eu lieu après cette table ronde pour prendre part au débat, apporter un témoignage, faire part d’une piste à explorer (voir ci-contre). Les contributions s’enrichiront au fil des prochains ateliers (dans l’Aube, les Bouches-du-Rhône, la Somme, l’Indre-et-Loire et le Finistère) et via la plateforme en ligne « Agissons pour la ruralité » ouverte sur Internet afin de permettre la formulation de propositions destinées à améliorer la qualité de vie dans les territoires ruraux. Thématiques abordées : l’accès aux soins, le bien-être agricole, les familles et les jeunes ruraux, la mise en place d’une société rurale inclusive, l’accès aux services publics.
Paroles dans la salle
Florence Ribeiro-Cardoso, élue MSA et présidente de la section des Coteaux de Dordogne
« J’ai l’impression que le paysan est très mal compris dans nos territoires. Il faudrait qu’on ouvre nos portes et qu’on se donne les moyens d’accueillir les nouveaux ruraux pour qu’ils puissent appréhender ce qu’on fait. J’aimerais que les habitants du secteur viennent dans mon vignoble, passent du temps dans les vinifications avec nous pour se rendre compte. Parce que si on ne comprend pas, on n’aime pas. On a beaucoup à faire au niveau de notre image. »
Claire Laval, représentante de la confédération paysanne au Ceser
« Il y a deux mouvements : d’une part, une désaffection, une incompréhension d’un certain monde vis-à-vis de l’agriculture et de son fonctionnement, de ses contraintes et, d’autre part, des gens qui souhaitent s’installer, que l’agriculture fait rêver. Il faut ouvrir nos exploitations mais s’ouvrir aussi aux aspirations qui naissent dans la société et qui sont recevables. Le monde change, il faut se questionner et les explorer sans animosité. »
Frédéric Faux, administrateur de la MSA Gironde
« Avec la concentration des activités économiques et administratives sur les grands pôles, les gens ne peuvent pas se loger. En ruralité, on devient des cités dortoirs. La politique devrait servir à rendre tous les territoires égaux. Or certains projets politiques détruisent la vie rurale. Il n’y a pas de vision à long terme. »
Mikaël Bidois, responsable du CIAS de la collectivité de Blaye
« L’important, c’est la question du lien social. Cela renvoie à la proximité. Nous avons développé différents projets depuis longtemps avec la MSA, notamment sur l’accès aux droits et sur l’accompagnement des aînés. Dans le prolongement de ces actions, un espace France services permet de créer du lien avec les agents d’accueil – un de la MSA et deux de la communauté de communes. Ceux-ci s’adaptent aux réalités et aux besoins de chaque personne pour les démarches de tous les jours. »
Serge Bergeon, éleveur, secrétaire général de la FNSEA 33
« En zone rurale, il y a la solidarité qu’il faut continuer à cultiver. Le maintien à domicile des personnes âgées passe aussi par cette solidarité. »
François Martial, vice-président de l’URPS (Union régionale des professionnels de santé) pharmaciens
« Les facultés ont la possibilité d’inciter les jeunes à aller en milieu rural. Il n’y a pas de gros trous dans le maillage pour les pharmacies. Nous sommes prêts, en tant que professionnels libéraux, à travailler avec les pouvoirs publics, la MSA, la CDC, l’Agence régionale de santé… pour inciter nos confrères à être et rester sur place. Nous avons besoin de travailler ensemble. »
Stéphane Talavet, directeur de la fédération régionale des MFR de Nouvelle-Aquitaine
« Nous avons mis en place des formations avec l’implication des viticulteurs : ils ont mis à disposition du matériel, du terrain, voire des salariés qui ont accompagné les jeunes. Ces formations sont complètement adaptées et ont apporté 100 % d’insertion. Il faut que les entreprises se saisissent de ce sujet, s’impliquent dans l’accueil. »