Les crispations au sujet de la raréfaction des services au public se multiplient, renforçant le sentiment d’isolement de territoires moins bien dotés que d’autres, voire démunis.
Rationalisation versus proximité géographique, stratégies de repositionnement des opérateurs versus exigence d’accessibilité, numérisation des services publics versus difficultés d’accès à l’Internet ou d’appropriation des nouvelles technologies, les exigences des différents protagonistes ont parfois du mal à se rencontrer.
Une stratégie multicanal
Une table ronde sur ce sujet a été organisée à l’Assemblée nationale en janvier 2019. Plantant le décor, Barbara Pompili, députée de la Somme, présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire à l’Assemblée nationale soulignait que « les territoires sont aujourd’hui confrontés à un double mouvement : d’une part, celui de la métropolisation, qui s’accompagne d’un sentiment diffus, celui du déclassement, voire de l’abandon d’une partie des territoires par les acteurs économiques qui s’en détourneraient au profit d’aires urbaines moteurs de croissance. D’autre part, la réorganisation territoriale de certains services publics peut laisser un goût amer aux territoires victimes de la fermeture de certains sites pourtant considérés comme essentiels par les populations concernées ».
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a invité les représentants des principaux services publics, d’une part, à établir un bilan du maillage territorial de leurs organismes respectifs et préciser leur politique en termes d’implantation territoriale et, d’autre part, à partager leur appréciation des Maisons de services au public (MSAP) et leurs propositions pour la garantie de l’égalité d’accès à ces services.
La relation client des différents opérateurs est aujourd’hui vue à travers le prisme d’une stratégie « multicanal » – proposant contact en face-à-face, entretien téléphonique ou relation à distance grâce aux sites Internet et à la montée en charge des services en ligne. La réponse ne peut en effet être unique.
Hétérogénéité de la qualité du service rendu
Confrontés aux nouvelles exigences de la population exprimant un besoin de service personnalisé ainsi qu’à un défi d’efficience, les acteurs des services publics adaptent leurs pratiques et leurs métiers. Engagement de Pôle emploi pour que « 95 % des demandeurs d’emploi soient à moins de trente minutes de trajet d’une agence ou d’un point relais », conclusion de partenariats avec les collectivités territoriales afin de mettre à disposition des agences postales communales « lorsque la présence de La Poste seule au sein d’une commune, par exemple, est trop difficile d’un point de vue économique », basculement progressif vers « un accueil sur rendez-vous personnalisé » pour la direction générale des finances publiques…
De nombreux protagonistes s’associent aux MSAP créées pour répondre aux besoins des citoyens éloignés des opérateurs publics, notamment en zones rurales et périurbaines (plus de 1.600 ouvertes ou en cours d’ouverture en février 2019). Pour autant, si elles permettent de renforcer les capacités à couvrir les territoires, une hétérogénéité de la qualité du service rendu par ces structures est pointée par plusieurs des personnes auditionnées.
Des élus « vigies et ambassadeurs dans les cantons »
La MSA est présente au sein de 800 d’entre elles et dispose par ailleurs de plus de 600 points d’accueil spécifiques. François-Emmanuel Blanc, directeur général de la CCMSA, a réaffirmé la vision du régime agricole, « outil et fabrique de la cohésion sociale », sur sa présence territoriale et sa logique de service global. Rappelant les principes fondamentaux du modèle de la MSA – démocratie, proximité, guichet unique –, il a souligné que l’« approche est évidemment multicanal, comme tous les services publics aujourd’hui : numérisation bien sûr, services internet. Mais pour nous, numérisation ne veut pas dire déshumanisation : nous souhaitons conserver de « vraies » personnes qui parlent à de « vraies » personnes, en toute proximité, et offrir un accueil sur rendez-vous ainsi qu’un accueil défini selon les territoires capables de mobiliser l’ensemble de nos ressources du guichet unique ».
Cette proximité est en outre matérialisée par la présence et l’implication forte des élus qui « jouent à la fois le rôle de vigies et d’ambassadeurs dans les cantons » et, bien entendu, par l’action des salariés toujours présents sur le terrain, où l’innovation reste d’actualité, partant des attentes de la population agricole et rurale.
Au sujet des MSAP, « nous pensons qu’il est utile de professionnaliser un certain nombre d’entre elles dans le domaine de la protection sociale ». D’où le lancement d’une expérimentation cette année, en partenariat avec les autres branches, à travers une offre spécifique dénommée « MSAP by MSA »… sur laquelle nous reviendrons en détail prochainement.
Le compte rendu peut être consulté ou téléchargé sur le site de l’Assemblée nationale
Photo : Elkor/iStock/CCMSA Images
Les participants à la table ronde
– Smara Lungu, déléguée aux affaires territoriales et parlementaires de La Poste ;
– Firmine Duro, directrice des partenariats et de la territorialisation à Pôle emploi ;
– Antonin Blanckaert, directeur national retraite de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) ;
– Cécile Chaudier, directrice du département d’appui à la relation de service et aux métiers de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) ;
– Sandrine Lorne, directrice de la relation clients et du marketing de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CnamTS) ;
– Bruno Parent, directeur général des finances publiques du ministère de l’action et des comptes publics ;
– François-Emmanuel Blanc, directeur général de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole.