Dans la salle des fêtes de Saint-Jean-Saint-Germain, commune d’Indre-et-Loire proche du Loir-et-Cher et de l’Indre (ces trois départements constituant le périmètre d’intervention de la MSA Berry-Touraine), la caisse a organisé une « réunion d’initiative locale » : une contribution à la consultation massive organisée dans notre pays – le grand débat national – afin de permettre l’expression des citoyens et l’émergence de propositions, dans une période entachée par une crise de confiance, malmenée par des interpellations parfois violentes et marquée par de multiples frustrations.
Cette démarche participative n’est pas nouvelle pour la MSA. Pour preuve son réseau de représentants, sur chaque canton, à l’écoute de la population agricole et rurale, mais aussi les programmes de développement social local qu’elle instille à partir des besoins des territoires et avec la contribution active des habitants, et le souci permanent de ne laisser personne « au bord de la route », de favoriser l’inclusion pour un mieux vivre-ensemble… Logique donc que, fidèle à ses valeurs, elle s’empare de cette opportunité pour que résidents et acteurs locaux s’expriment sur leur vision de l’accès à la protection sociale et aux services.
« Difficile de trouver un médecin traitant »
Les participants auraient certes pu être plus nombreux mais ceux qui étaient présents – qu’ils soient salarié agricole, retraité, chef d’entreprise, mère de famille, élu local, représentant MSA… – ont voulu apporter leur contribution afin de partager leur ressenti et de proposer des pistes pour faire avancer les choses.
Ils sont entrés dans le vif du sujet, dès le début de la rencontre, en évoquant une question prégnante pour tous : l’accès aux soins. « Les cabinets médicaux ne sont plus accessibles, la prise de rendez-vous est compliquée quand on ne maîtrise pas Internet », lance un participant. « Il est même difficile de trouver un médecin traitant », poursuit un autre. Idem pour certaines spécialités – ophtalmologistes, dentistes…
Alors que des médecins partent en retraite, la relève reste problématique à assurer dans ces zones rurales. Étienne Le Maur, directeur général de la MSA Berry-Touraine et animateur de ce débat, apporte une donnée chiffrée : « le nombre de consultations est de 3,9 par personne et par an sur la France entière, contre 2,4 sur le territoire du Lochois », secteur où se tient le débat. La population locale a-t-elle une santé de fer ? Renonce-t-elle à se faire soigner faute de professionnels disponibles ? A-t-elle moins l’habitude d’un suivi régulier ? Si ces questions restent ouvertes, celle du renouvellement des professionnels de santé se révèle une préoccupation importante dans l’assistance.
Les contributions convergent vers des propositions d’instauration d’une obligation d’installation, d’une obligation de service – avec un engagement sur une durée journalière de consultation pour que les malades puissent être reçus dans des délais acceptables – ou une réflexion sur une formation de première année de médecine dans des établissements implantés en milieu rural. Les professionnels dont la population a besoin ne viendront toutefois que si une dynamique favorise l’attractivité des espaces ruraux. Si les commerces, les services, les écoles, les transports font défaut, le phénomène de désertification va s’accroître : c’est peut-être alors un aménagement global du territoire qu’il convient de repenser.
Accompagner les aînés au numérique
Parmi les autres sujets discutés, la « fracture numérique », bien réelle. Elle se matérialise notamment par une difficulté d’accès au réseau Internet et au haut débit : « 30 % des locaux du Lochois sont éligibles à un débit supérieur à 30 mégabits alors que la moyenne nationale est de 53 % », pointe Etienne Le Maur, en précisant que la situation est contrastée selon les communes. Elle se concrétise aussi par une absence d’équipement à la maison pour certains, par un manque de pratique ou de formation.
« Si, à domicile, vous n’avez pas un accès confortable à Internet, vous êtes coupés des guichets de la protection sociale », remarque Frédéric Hérault, directeur général d’Agrica, présent dans l’assistance. La tendance au self care (laisser les clients ou usagers accomplir et gérer eux-mêmes nombre de formalités), se banalise aujourd’hui.
« La plupart des organismes de protection sociale ont recours à des portails numériques sur lesquels ils invitent les usagers à se connecter pour réaliser leurs démarches, car ce qui est traité de manière automatique est moins coûteux, explique Etienne Le Maur. Cet impératif de productivité, la MSA y est également soumise. Le seul moyen pour s’en sortir est donc de développer le self care ».
Le déploiement des services en ligne évite aussi des déplacements, qui peuvent être difficiles en milieu rural. Encore faut-il être en capacité d’établir soi-même une demande de retraite sur Internet, faire une réclamation ou solliciter une aide sociale via un portail numérique. Un participant souligne qu’ « on oblige le demandeur à faire le travail », un responsable d’association explique quant à lui que « 50 % des adhérents ont communiqué leur adresse mail ». Il reste donc encore des usagers à convaincre, des pratiques à développer, de la formation à assurer, des points d’accès à créer et un réseau à renforcer. Certes, un bus numérique intervient à la demande des communes du territoire pour accompagner la population dans ses apprentissages du numérique, un camping-car itinérant, forme mobile d’une maison de services au public (MSAP), permet d’être assisté dans ses démarches administratives. Mais la fracture reste importante.
D’où les propositions de l’assistance de mutualiser les moyens en un lieu commun sur un territoire rural (mairie, MSAP), d’augmenter les points d’accès dans les petites communes, ou encore d’accompagner les aînés dans l’apprentissage progressif de l’informatique.
Les seniors, il en a été beaucoup question puisqu’une des thématiques concernait les services qui leur sont apportés. D’emblée, le développement de ceux qui favorisent le maintien à domicile s’est imposé (portage de repas, adaptation du logement, lien social…) de même que la suggestion de formation et d’indemnisation, à titre de compensation de la perte de revenu, des aidants familiaux.
Grand débat national
1 932 884 contributions
10 134 réunions locales
16 337 cahiers citoyens
27 374 courriers et courriels reçus
Des salariés « affolés par la paperasserie »
Sur le volet du soutien aux actifs, un employeur s’est exprimé pour dire combien il apprécie « l’accompagnement assuré par la MSA en matière de médecine du travail pour les salariés et les chefs d’entreprise », tout en espérant « le maintien de son niveau de qualité ». Il a en revanche regretté le temps qu’il doit passer avec les salariés, « affolés par la paperasserie », pour des démarches administratives comme un dossier de retraite.
Des réflexions sur un développement de sessions dans les entreprises pour un accompagnement aux droits, sur des conseils personnalisés en protection sociale pour des salariés qui en ont besoin ont alors émergé. De même qu’une nécessité de renforcer la formation à la sécurité dans les très petites entreprises.
Certaines propositions concernent donc plus directement la MSA qui se chargera de les prendre en compte afin de mieux répondre aux demandes de ses adhérents. Toutes, selon le principe du grand débat, sont remontées au niveau national.
Le grand débat national
Le gouvernement a engagé, le 15 janvier 2019, cette consultation autour de quatre thèmes : la fiscalité et les dépenses publiques, l’organisation des services publics, la transition écologique, la démocratie et la citoyenneté.
Le grand débat s’est notamment déployé à partir de réunions d’initiatives locales et de contributions sur une plateforme numérique ou par voie postale. Cette phase de participation a été close au 15 mars.
Les contributions analysées et restituées au président de la République et au gouvernement, font l’objet de synthèses rendues publiques en avril.
Plus d’info sur le site du grand débat.