Adieu veau, vache, cochon, couvée… Ce qui est vrai pour la « légère et court vêtue » Perrette de la fable de La Fontaine ne l’est pas pour Laura Fruitet Visier. Au sortir de la pandémie de Covid-19, la jeune femme quitte la longue robe d’avocate spécialisée dans le droit des affaires. Elle endosse alors la pelisse d’éleveuse. Et hop, après un brevet professionnel responsable d’entreprises agricoles, bonjour brebis, chèvres, couvées… Mais aussi cochons noirs, lamas, alpagas, ânes, chevaux et lapins angora.
Avec Sophie, sa maman, Michel, son papa, et Fabiola, sa grand-cousine, elle est à la tête d’une ferme familiale et artistico-culturelle. Familiale, c’est d’accord. Artistique et culturelle, car le lieu situé à Fontrieu, dans le Tarn, accueille concerts, ateliers laine, cafés philosophiques, etc. Et depuis un peu plus d’un an, des WWOOFeurs1.
Éducation populaire à la terre
Ces visiteurs partagent la vie quotidienne de leurs hôtes et font l’apprentissage des techniques agricoles biologiques. Ils passent environ la moitié de chaque journée à aider à la ferme. Ce mouvement mondial est représenté dans l’Hexagone par l’association WWOOF France.
Cette dernière accompagne les adhérents. Elle veille également au respect du cadre légal pour prémunir la pratique contre le risque de travail dissimulé. Sa mission : l’éducation populaire à la terre.
Cadre légal
Quand un WWOOFeur réalise une prestation de travail effectuée dans un lien de subordination et moyennant le versement d’une rémunération, même en nature, l’exploitant sort du cadre du WWOOFing et s’expose à des poursuites pour travail dissimulé. Des contrôles peuvent être menés par la MSA et les autres corps de contrôle compétents en matière de lutte contre le travail illégal (directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, gendarmeries, officiers de police judiciaire…).
« Nous avons accueilli une trentaine de WWOOFeurs depuis notre adhésion, comptabilise Laura. Par période, nous enregistrons une à deux demandes par jour. Nous ne pouvons pas toutes les honorer. » Ce succès dépasse les frontières. La petite communauté attire des visiteurs de toutes nationalités, de tous profils : ceux qui sont issus du milieu agricole, ceux qui n’y connaissent rien… Ceux qui entament une reconversion professionnelle, ceux à qui le retour à la terre importe… « Ceux qui ont des plumes » même, pour citer Jacques Prévert. Certains reviennent, deviennent des amis.
Les demandes acceptées sont suivies d’un entretien téléphonique. Présentation de la ferme, des tâches à accomplir et attentes des WWOOFeurs y sont passées en revue. Il est vrai que la vie à la ferme réserve quelques surprises : des conditions de travail plutôt physiques, et des saisons qui peuvent être rudes.
« Il faut s’assurer que le séjour sera l’objet d’un plaisir réciproque, dans l’échange et le partage. » Les journées en sont rythmées. « Nous prenons le petit-déjeuner ensemble, nous évoquons les différentes tâches quotidiennes et chacun se positionne selon son appétence et sa forme physique : carder et filer la laine n’exigent pas le même effort que le ramassage des pommes de terre, par exemple. Nous travaillons tous ensemble, sans lien de subordination. La première semaine est souvent dédiée à l’apprentissage des gestes, et les semaines suivantes sont plus autonomes. »
Dans la pédagogie et le respect de la liberté de chacun, les séjours s’enchaînent. Et les bêêêêlles rencontres aussi !
(1) Le mot est composé à partir de la racine Wwoof, l’acronyme de worldwide opportunities on organic farms (« opportunités dans des fermes biologiques du monde entier »).
L’essentiel du WWOOFing
– Pratiquer une agriculture biologique et paysanne sur son lieu de vie
– Avoir sincèrement envie de partager ses connaissances et son quotidien (repas, vie de famille, soirées…) et pas uniquement ses tâches agricoles
– Mettre la préservation du vivant et de la biodiversité au cœur de son mode de vie et de travail
– Ne pas accueillir plus de deux personnes en même temps, pour une durée d’un mois maximum
– Lire, signer et appliquer la déclaration de WWOOFing à l’arrivée
– Faire une demande d’adhésion à l’association WWOOF France (wwoof.fr). Hors du réseau des adhérents (Facebook, Leboncoin…) l’usage du terme WWOOFing (et de ses dérivés) est abusif car il s’agit d’un nom déposé.