À une dizaine de kilomètres au sud-est de Blois, au bout de la longue ligne droite bordée de champs et d’arbres qu’emprunte à l’instant une voiture, apparaît l’un des châteaux de la Loire. L’édifice marque l’entrée du domaine de la ferme de Prunay, à Valloire-sur-Cissé. À l’arrière du véhicule qui emprunte la chaussée, la vitre n’est plus qu’une paire d’yeux largement écarquillés. La petite fille de neuf ans qui a le nez collé à la fenêtre en prend plein les gobilles. Devant elle se dresse un mastodonte et la promesse de vacances inoubliables. Et elle n’a encore rien vu !
Elle n’en a pas le temps. À peine la voiture garée sur le parking, elle surgit comme un diable de sa boîte. Une course effrénée d’une dizaine de mètres et un envol de chaussures plus tard, la voilà s’engouffrant dans le monument où elle se joint aux marmots déjà présents. Des cris, des sauts, des rires, des chutes, la structure aux grandes colonnes jaunes ornées de ratons-laveurs, de koalas et au sol rayé de vert et d’orange tremble sous ces assauts répétés.
« Salomé, avec papi et mamie nous allons à l’accueil, tu nous attends ici ? ». Toute à ses cabrioles, elle n’entend même pas. Si ce château gonflable restera certainement « le meilleur des châteaux » qu’elle visitera durant ses vacances, il n’exerce pas la même attractivité sur son père. Pourtant, il vient de comprendre qu’il sera un allié de choix pendant son séjour. Et il n’a encore rien vu !
Comme plusieurs centaines de familles chaque année, celle de Salomé a décidé de séjourner au camping ferme pédagogique de Prunay. Pour quelques jours ou quelques semaines, sous tente, en caravane, en bungalow ou en cabane, pour la première fois ou depuis plusieurs années, les Fouchault accueillent les familles dans leur camping qui ne se veut « pas comme les autres ». On oublie le parc aquatique et ses toboggans, les séances de remise en forme en musique, les soirées endiablées ou l’élection de miss et mister camping. Ce n’est pas le credo de cette famille de cultivateurs. Dans cet écrin de verdure placé au cœur des champs d’orge, de blé et de colza, Michel Fouchault le père, Christiane la mère, Dorian et Marine les enfants, ont à cœur de faire découvrir le monde agricole, leur monde.
Balade à dos d’âne pour Salomé
À l’accueil, ce sont Christiane et Marine qui officient.
Remise des clés (pour les bungalows), du plan du site et rappel des consignes : les voitures, c’est sur le parking devant le camping. Ça évite les nuisances et les risques pour les nombreux enfants qui déambulent dans les allées.
« Papa ! Papa ! Il y a une balade à dos d’ânes demain matin ! Je peux y aller ? ». Salomé, qui a rejoint le reste de sa tribu, ne décolle plus du planning des activités de la semaine. Elle semble hypnotisée. Entre le nourrissage des grands animaux avec en prime une balade en tracteur, la fabrication du pain ou de cabanes, la matinée découverte des petits animaux, les chamallow parties, les randonnées ou les olympiades entre parents et enfants, il reste peu de place dans son agenda. Ni dans celui de son père car, si ces animations sont menées par Dorian, elles ne font pas pour autant office de garderie et les enfants doivent obligatoirement être accompagnés d’un adulte.
« Dépêche-toi papa, je ne veux pas être en retard ! ». Au milieu des allées du camping, Salomé tire son père par la main. Il est 10 h 25. Dans 5 minutes, sept ânes, cinq chiens de chasse et une dizaine de familles vont se mettre en route pour une balade d’une bonne heure et demie. Trompette en bandoulière, Dorian mène la troupe, non sans avoir délivré auparavant ses recommandations : « Les parents ! Vous allez vous mettre deux par animal. Le premier tient la longe et dirige l’âne, le second se met à côté des enfants et leur maintient les jambes. Les enfants ! Est-ce que je m’appelle Monsieur ? Noooon, je m’appelle Dorian. Vous allez pouvoir monter par deux sur les ânes et tenir les chiens en laisse. Les chiens doivent toujours être devant. Les parents ! Quand vous entendez la trompette, on s’arrête, on fait descendre les enfants pour en faire monter d’autres. Allez ! En route ! ».
De 5 heures à 23 heures !
Vers midi, aux abords de la prairie des grands animaux, un cortège approche, formé d’enfants tirés par des chiens tout excités, d’adultes fidèles au poste mais un brin fatigués et de bambins tout sourire juchés sur leur fier destrier. La balade se termine. Dorian n’a pas à demander d’aide pour parquer les ânes ou ramener les chiens au chenil et les enfants continuent de l’assaillir de questions tandis qu’il file vers les cuisines du bar/restaurant pour y apporter son aide. Réception, gestion des arrivées, des départs, du personnel, du ménage et des clients pour la mère et la fille, animations, manutention, petites réparations et aide en cuisine pour Dorian qui épaule également son père aux cultures.
Malgré des journées qui commencent à 5 heures et se terminent à 23 heures, parents et enfants le retrouveront lui et sa bonne humeur, à 14 heures sur le terrain de volley, pour les olympiades. Salomé et son père Frédéric y seront aussi. « Il y a une animation le matin et une l’après-midi du lundi au vendredi, explique ce dernier. Salomé voudrait toutes les faire, il faut négocier pour réussir à caler une visite de château ! »
Et ce ne sera pas aujourd’hui. « Après les olympiades, nous irons certainement à la piscine, poursuit-il. Demain, nous sortons du camping ! Nous allons au ZooParc de Beauval. Mais il ne faudra pas rentrer trop tard, le soir, Salomé a chamallow partie ! » Nous les retrouvons, en fin de journée, sur un chemin entre champs et haies. Salomé s’est fait une copine, Élisa. Main dans la main, elles courent devant Frédéric. Une centaine de mètres plus loin, la prairie des petits animaux apparaît.
La consigne de Christiane que les enfants retiennent le mieux est : « les prairies des animaux sont en accès libre du lever du soleil à la tombée de la nuit. Pas de cri, on ne court pas, on respecte les animaux. Et surtout on leur fait des caresses et des câlins tous les jours ! » Entre Paméla le cochon vietnamien, Far-West le poney nain, les chèvres, les moutons, les poules, les pintades, les oies, les lamas, les ânes, les cailles ou les canards, il y a de quoi faire. Pour Frédéric, « les enfants gagnent en autonomie. Ils se sentent responsables des animaux. Ils leur apportent des déchets alimentaires, les brossent, les caressent. Ce que préfère Salomé, c’est la cabane avec les lapins. Elle les prend dans ses bras pour leur faire des câlins ».
Pour l’heure, il est temps de rentrer au bungalow. Ce soir c’est barbecue. Quand elles se séparent, Salomé, 9 ans, lance : « Élisa, on se retrouve aux structures gonflables après dîner, vers 20 h 30 ! ». Elle se fige, fait une petite moue espiègle à son père. « J’ai le droit, hein, papa ? Et puis, c’est les vacances ! ».