Libération de la parole et partage de vécus

L’association Les Elles de la terre pourrait représenter un mode d’emploi de la bienveillance passée à l’école de l’humilité. Il suffit de visionner les vidéos des rencontres de sa chaîne YouTube pour en avoir une idée. Karine Taupin et Laurence Cormier, coprésidentes de l’association et âmes sœurs dans la vie, sont aux manettes de la plateforme de streaming.

Rencontre avec Lorine, une jeune agricultrice installée dans les Deux-Sèvres

Un ton sororal

Le ton sororal instauré avec les invités et la spontanéité des échanges placent la rencontre sous le signe du plaisir d’être ensemble tout en offrant à toutes l’occasion de passer un moment doux et fort en émotion. Le cadre empreint de bonne humeur contagieuse est propice à la libération de la parole et au partage de vécus.

Karine discute avec Valentine, étudiante en école agronomie. Vidéo à visionner sur @lesellesdelaterre.

« Les femmes osent toujours dire ce qu’elles pensent »

« Dans le monde agricole, explique Laurence Cormier, les femmes osent toujours dire ce qu’elles pensent, plus que les hommes réputés taiseux. Nous n’attendons pas d’arriver au point de rupture pour verbaliser les choses posément, sans fioritures et sans être fonceuses. Nous exprimons les faits simplement. »

Pendant que Karine Taupin, enseignante de yoga, tient le rôle de l’intervieweuse devant la caméra, Laurence filme. C’est elle qui monte après les vidéos et les met en ligne. Elle aime les réseaux sociaux (Instagram, Facebook et YouTube) et en profite pour y donner libre cours à son imagination ainsi qu’à sa créativité.

Elles sont partout sur la toile

Les Elles de la terre, c’est un site Internet et des comptes sur les réseaux sociaux Instagram, Facebook, YouTube, X (ex‑Twitter) et LinkedIn.
Contact : par e‑mail : collectifagricultrices@gmail.com ; téléphone : 06 21 78 40 52.

Elle n’est pas uniquement productrice de lait, installée dans le sud‑est de la Mayenne, à la limite de la Sarthe, gérant une exploitation de 65 vaches et de 91 hectares. À ses heures perdues, elle réseaute pour défendre les valeurs positives de son association.

Laurence Cormier et Karine Taupin sont les coprésidentes de l’association.

Insuffler le courage d’y arriver

Faire entendre ces voix singulières est précieux à plus d’un titre. Combattre le sentiment d’isolement, rompre la solitude des agricultrices dans les territoires et insuffler la niaque aux jeunes pousses qui veulent se lancer dans le métier sont quelques exemples des bienfaits escomptés.

« Nous avons toutes suivi un chemin différent, riche, lumineux, assure Laurence Cormier. C’est intéressant de découvrir les parcours des unes et des autres. Ça peut aider les plus jeunes qui, dans des moments de doutes ou de difficultés, peuvent avoir besoin de s’identifier à d’autres ayant déjà traversé les mêmes épreuves. L’objectif est d’insuffler de la force pour y arriver, d’encourager celles qui pourraient déprécier leur projet afin qu’elles gardent confiance. Elles doivent croire en elles. »

Derrière la transmission de cette énergie positive, il y a la volonté de contribuer à la lutte contre le mal-être en agriculture. C’est l’objectif premier de l’association. Les femmes y sont aussi confrontées. Karine comme Laurence en sont la preuve.

Lutter contre le mal-être des professionnelles agricoles

Les Elles de la terre qui se nourrit de leur résilience fait partie du comité national du pilotage du mal‑être, animé par Olivier Damaisin, le coordinateur national du plan sur la prévention du mal‑être en agriculture.

« Des femmes nous appellent parce qu’elles ne se sentent vraiment pas bien. Nous proposons une écoute. Nous ne sommes pas dans le jugement. Comme nous ne sommes pas des professionnelles, nous orientons la personne en souffrance vers des interlocuteurs dont c’est le métier : les assistantes sociales de la Mutualité sociale agricole, les chambres d’agriculture. Ils sont compétents pour assurer l’accompagnement et apporter l’aide appropriée. Notre objectif est d’offrir une oreille et d’aiguiller. Nous sommes des passeuses. »

La Légion d’honneur que Laurence Cormier a reçue le 14 juillet 2023 consacre cet engagement qui est aussi celui de la tribu des Elles. « C’est moi qui suis mise en avant avec cette attribution. Mais le mérite en revient à l’association. »

Émilie est vétérinaire rurale. La jeune femme vit à Saint‑Jean‑sur‑Erve, en Mayenne, et raconte son parcours de vétérinaire rurale. Elle ne s’occupe que des bovins. Pour exercer son métier, elle est partie en Belgique préparer pendant six ans le diplôme dans une faculté vétérinaire. La suite à découvrir sur la chaîne YouTube @lesellesdelaterre.

« Nous sommes des passeuses »

Les passeuses se baladent dans la France entière au gré des événements agricoles, des réunions des comités et des invitations. « Nous sommes apolitiques et affiliées à aucun syndicat. Nous sommes ouvertes à tous. Nous allons partout. Ça ne nous dérange pas de discuter, de faire connaissance, de communiquer avec chacun. Nous n’avons jamais eu peur. »

Au cours des déplacements, elles calent des interviews entre deux rendez-vous, filment celles qui veulent bien se prêter à l’exercice du témoignage, proposent un entretien aux coups de cœur qu’elles repèrent. Toujours enthousiaste, Laurence va jusqu’à convier dans sa ferme celles qui hésitent à accueillir l’association chez elles. À sa grande joie, trois d’entre elles ont déjà accepté l’invitation. Elle a érigé l’hospitalité en principe. « La porte de ma ferme est toujours ouverte », scande‑t‑elle dans un éclat de rire généreux.

Photos : ©DR