« Aujourd’hui, certains agriculteurs sont totalement abattus. Pour ceux qui sont à 100 % en filière arboriculture ou viticulture, c’est un peu comme si vous preniez votre voiture et que l’on vous retirait le volant. » C’est ainsi que Jean-Pierre Grosso, administrateur à la MSA Provence Azur et coprésident du comité d’action sanitaire et sociale résume la situation catastrophique de certains exploitants des Bouches-du-Rhône après l’épisode de gel qu’ils ont subi dans la nuit de mercredi 7 à jeudi 8 avril.
Un bilan catastrophique
Fin avril, les données recueillies par les chambres d’agriculture de Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui font le recensement des exploitations touchées, sont partielles et évoluent tous les jours mais elles permettent d’avoir une idée de l’ampleur du sinistre. Selon les questionnaires traités au 27 avril, 10 282 hectares sont déclarés touchés par le gel avec un taux de perte de la production situé entre 70 et 97 % (97 % pour les abricotiers, 98 % pour les pommiers, 90 % pour les poiriers, 69 % pour les vignes en AOP et 71 % pour les vignes en IGP). Pour les producteurs de fruits de saison, comme l’abricot, les conséquences sont immédiates, puisqu’ils auraient dû vendre leurs produits en juin et juillet.
« L’impact sur la trésorerie est énorme, explique Jean-Pierre Grosso. Pour les fruits à noyau, à pépins, qui sont des filières pérennes, l’agriculteur a déjà engagé des frais pour l’entretien, la taille et il va devoir continuer pour la bonne tenue de la parcelle, tandis qu’il ne va rien gagner cette année. Pour la vigne, par exemple, il va falloir attendre environ deux ans avant de retrouver une trésorerie. C’est très compliqué. »
Les crises s’enchaînent
Pour Jean-Pierre Grosso, le problème majeur, notamment en viticulture est l’enchaînement des crises : « Le gel, la grêle, les inondations, on connaît. Mais là, cet épisode intervient après une année de crise de covid. Le cumul est dur. Les petites et moyennes exploitations, déjà dans le dur en 2020, risquent de ne pas se relever. Les caves de particuliers qui produisent du rosé, par exemple, et qui travaillent beaucoup avec les restaurants et les hôtels, n’ont pas pu vendre leur vin, ce qui a déjà créé des soucis économiques. De plus, ceux qui sont parvenus à protéger un minimum leur exploitation du gel vont devoir arroser pour assurer la récolte avec le peu qu’il reste. Quand on sait que nous sommes déjà placés en vigilance sécheresse par arrêté préfectoral, cela rajoute encore au problème. »
La MSA présente
Évidemment, la MSA Provence Azur ne reste pas inactive. Un bureau de crise a été organisé et tout est mis en œuvre pour que les exploitants touchés par le gel se fassent connaître car « tant que nous n’avons pas toutes les remontées de terrain, c’est compliqué de déterminer la situation de chacun, ajoute Jean-Pierre Grosso. Pour l’instant, nous remontons le maximum d’informations à la caisse centrale pour qu’elle évalue la situation et puisse rendre compte de son ampleur au gouvernement. Une fois que l’on connaîtra le budget alloué, nous y verrons plus clair. »
Des répercussions pour tout le monde
Si cette catastrophe a des répercussions économiques importantes sur les exploitants, elle touche également les salariés. « Les exploitants s’y prennent à l’avance pour trouver et faire venir des saisonniers du coin ou d’ailleurs, ce qui n’est pas toujours évident surtout que certaines tâches requièrent des compétences particulières. Là, ils ont dû annuler. L’événement a donc aussi des répercussions sur tous ces saisonniers qui n’auront pas de travail.
« Et il ne faut pas voir que le côté économique, même si c’est le nerf de la guerre. Cette situation va avoir des conséquences sur la santé physique et mentale des exploitants comme des salariés… Des burn out sont à craindre, et les familles vont être impactées. À la MSA, nous connaissons bien tous ces problèmes et nous serons là pour les soutenir grâce aux nombreux dispositifs de l’action sanitaire et sociale. Mais il faut aussi que tout le monde joue le jeu. J’espère que les grandes centrales d’achat vont prendre conscience de la difficulté des agriculteurs, et que les Français achèteront ce qu’il va rester de certaines productions. »