C’est une belle cacophonie sonore. Si les jolies rousses de Lucie lui volent souvent la vedette, les caquètements des 9 700 cocottes n’empêchent pas l’éleveuse de transmettre sa passion sur sa chaîne YouTube Plein les Y’œufs, suivie par près de 9 000 personnes, et ailleurs sur les réseaux sociaux.
Pédagogie et bienveillance
De la construction du bâtiment à son passage en bio, de l’arrivée des premiers lots de poules à leur départ, l’ancienne enseignante nous fait vivre de l’intérieur toutes les étapes de la gestion de son poulailler dans un naturel et une bienveillance qui transpercent nos écrans de téléphones ou d’ordinateurs. « La pédagogie est essentielle pour toucher les personnes qui n’y connaissent strictement rien. Je ne m’adresse pas aux éleveurs de volailles mais au grand public. C’est aussi une façon de mieux se comprendre entre productions, ce n’est pas parce je fais de la pondeuse je comprends le canard et inversement. »
Convertie en bio depuis dix mois, l’année n’a pas été facile. Si son élevage a été épargné par la grippe aviaire, ses poules ont dû rester confinées de longs mois. Un quotidien bouleversé qu’elle a bien sûr partagé sur les réseaux. « La période a été terrible en Vendée au printemps, des collègues se sont sentis soutenus par l’une de mes vidéos [ci-dessous]. On a eu une forte pression sur les épaules. Dès qu’on s’engage à travailler avec le vivant, on sait qu’il y a ces contraintes… mais on ne s’attendait pas en s’installant à enchaîner le Covid, la guerre en Ukraine, la grippe aviaire ainsi que la baisse de consommation du bio. Nous avons un manque de visibilité et de lisibilité assez extraordinaire… Il faut être costaud, ce n’est pas donné à tout le monde de faire tout ce qu’on fait, bio ou pas bio. »
Renforcer la place des femmes
Dès lors qu’elle décide de communiquer, tout va très vite pour Lucie.
« Ça m’a apporté de la reconnaissance rapidement : un mois après le lancement de ma chaîne YouTube, le président de ma coopérative me sollicitait déjà pour que je m’investisse ; l’année suivante, Julien Denormandie [ancien ministre de l’Agriculture] me remettait un prix dans le cadre du concours Graines d’agriculteurs organisé par les Jeunes agriculteurs. Cette année, c’est la région Pays de la Loire qui m’a décerné un trophée Joséphine… »
Lucie, qui a deux enfants, est installée en Vendée et produit environ 2 millions d’œufs par an, « l’équivalent de ce que Paris consomme en deux jours ». Elle tient aussi un blog où elle partage plus longuement certaines pensées, comme sur la fin de vie de ses poules.
« J’essaie de rester discrète sur ma vie privée mais ça fait aussi partie de l’aventure. Il faut trouver un équilibre entre toutes ces casquettes, qui ne sont qu’une seule et même vie. Si on n’a pas le plaisir de communiquer et qu’en plus on s’en prend plein la tronche, très vite ça peut être violent. C’est un exercice qui demande un peu de persévérance. »
Articles de presse, passage sur le plateau de France 2 aux côtés de Guillaume Canet à l’occasion de la sortie en 2019 du film Au nom de la terre d’Édouard Bergeon… mais surtout, elle se sent soutenue par ses pairs, son territoire et se dit qu’elle pourrait, pourquoi pas, susciter des vocations ?
« Pendant cinq ans à la MFR, j’ai vu des jeunes dont le rêve était de devenir agriculteur. Ça m’a questionnée parce que mon mari est céréalier et je n’avais pas du tout envie de le rejoindre. Il y a énormément de contraintes pour un revenu qui – selon les années – peut être tout ou rien. Peu de temps après je me suis retrouvée à faire le même cheminement que mes élèves. » Toujours désireuse de partager son expérience, elle les invite à venir sur son exploitation pour découvrir la construction du bâtiment ou l’arrivée des poulettes. « Je retrouve aujourd’hui des jeunes qui sont en pondeuses ou en volailles de chair et qui n’étaient pas forcément partis pour cette spécialité au départ. Je me dis que ce que je transmets bénéficie aussi à de futures installations. »
Je trouve qu’on entend moins parler d’agribashing, terme très générique utilisé à toutes les sauces. Pour autant, on voit de plus en plus d’actions sur le terrain contre certains modes de production. C’est inquiétant. Il y a une place pour tout le monde, pas besoin de se taper les uns sur les autres… même entre agriculteurs.
Globalement, l’agriculture a repris un peu sa place au centre du village avec le Covid ainsi que les effets de la guerre en Ukraine.
En tant qu’administratrice de sa coopérative, elle a lancé cet été un groupe d’agricultrices, Les Bottées, pour accompagner celles qui le souhaitent à devenir des ambassadrices sur leur territoire et ainsi renforcer la place des femmes dans le monde agricole. Elles sont déjà une vingtaine d’agricultrices adhérentes à la coopérative, venant de tous horizons. « L’idée est d’accompagner celles qui souhaitent s’engager pour les aider à trouver cette place. C’est regrettable qu’encore aujourd’hui, ce soient plus souvent les hommes qui vont en réunion les femmes qui restent sur les fermes. »
« Même si tout n’est pas simple, je n’ai aucun regret. J’assume ma reconversion professionnelle, d’être en bio, de travailler en coopérative, d’être engagée, de communiquer… Je sais ce que j’ai à faire et pourquoi je le fais. Je ne m’estime pas porte-parole de qui que ce soit, mais si ça permet à d’autres de s’exprimer de manière indirecte, je pense que tout le monde peut le faire. »
Retrouvez Lucie sur :
– YouTube : Plein Les Y’oeufs Les Jolies Rousses
– Twitter : @JoliesRousses
– Instagram : @lesjoliesrousses
– Facebook : Les Jolies Rousses
– Blog : lesjoliesrousses.home.blog
Photos : © Les Jolies Rousses
Dans le @lebimsa @msa_actu en ce moment, un dossier sur la #communication en #agriculture. Je sais pas vous mais je trouve que la Une est pas mal… 😎 avec @DrToudou @agrikol @GrainHedger @Thierry_Agri @RemiDumas34 et #emilecoddens tiktokeur vigneron. pic.twitter.com/1p75aVhsGy
— 🐓🐝Les Jolies Rousses 🎥🥚 (@JoliesRousses) September 15, 2022