Nous avions été appâtés par un test à l’aveugle. Trois bandes sonores et autant de noms d’oiseaux à deviner. C’était lors de la remise des prix de l’appel à projets jeunes (APJ) 2019, en clôture du salon international de l’agriculture, début mars. Un trio d’étudiants du lycée agricole Agricampus d’Hyères, dans le Var, venaient recevoir le prix coup de cœur des 18-22 ans dans la catégorie vivre ensemble. Leur idée : installer un sentier pédagogique et sensoriel sur le périmètre de leur établissement afin d’en faire découvrir la faune et la flore comestible, de sensibiliser le public à sa biodiversité et aux techniques d’agriculture durable telles que l’agroforesterie ou la permaculture.
Quelques semaines plus tard, ça plane toujours ! À Hyères, sur l’exploitation du lycée agricole, le sentier serpente entre les cultures et les friches. Aujourd’hui, nos guides sont Catherine Mortreux, professeure d’éducation socioculturelle, et Pauline Sautron, l’une des élèves de BTS productions horticoles à l’origine du projet (avec Ulysse Cleret et Kahlia Gauthier). « En début d’année, je confie une mission aux étudiants, explique Catherine Mortreux. C’est un projet d’initiative et de communication [PIC]. Il est pris en compte dans l’évaluation de leur formation. Il s’agit pour eux de maîtriser la méthodologie de projet, de devenir autonomes. » Soit de voler de leurs propres ailes.
L’hibou niche ni haut ni bas
Là-dessus, les pioupious s’emparent carrément bien du contrat. Ils s’entourent de la ligue pour la protection des oiseaux Provence-Alpes-Côte d’Azur (LPO Paca) et de la MSA Provence Azur. « Je me mets à disposition des élèves pour les accompagner sur le montage du dossier afin de répondre aux exigences du cahier des charges de l’appel à projets jeunes », indique Marie Tireau, conseillère en économie sociale et familiale de la caisse locale. Côté LPO, ce sont Norbert Chardon, responsable du programme animation Var, et Sarah Bagnis, animatrice nature, qui interviennent (lire ci-dessous).
« Avec la LPO, nous avons monté le parcours du sentier en fonction des endroits où sont susceptibles de nicher les oiseaux », présente Pauline. Des nichoirs ont été disposés dans les haies et les grands arbres. Ils sont destinés à accueillir la mésange bleue ou la mésange charbonnière, la huppe fasciée, la chouette chevêche, le hibou petit-duc… Mais on peut éventuellement y croiser l’œil fixe de la corneille, du pigeon ramier, du loriot d’Europe, du rollier ou de la bergeronnette grise. Une faune repérable à l’oreille.
Plusieurs panneaux pédagogiques sur support en Dibond émaillent le sentier. Ils ont été réalisés grâce à une partie des subventions perçues au titre des prix de l’APJ remis par la MSA Provence Azur et par la CCMSA. Douze d’entre eux sont dédiés aux espèces d’oiseaux. D’autres encore au réseau trophique (1), à la spiruline, aux insectes, aux plantes sauvages et comestibles, aux différents types d’agriculture, etc. « Si ce projet a été mené à bien, c’est aussi grâce à la synergie sur l’établissement, avec la cheffe d’exploitation, pour la gestion des parcelles et le choix des cultures ou des techniques à valoriser, et le CFA [centre de formation des apprentis], pour le désherbage, par exemple », souligne Catherine Mortreux.
Les élèves de première ont fabriqué les mangeoires et les palissades en canne de Provence ; les classes de seconde ont participé à la réalisation des nichoirs. Une mare est à l’étude. Elle doit permettre d’attirer poissons et batraciens, entre autres, et de faciliter l’interaction entre les écosystèmes. Et ce ne sont pas les abeilles, à qui deux maisons rustiques sont dédiées, près des kiwis, qui en auront le bourdon.
(1) Ensemble de chaînes alimentaires reliées entre elles au sein d’un écosystème
Sentier labellisé « Refuge LPO »
Sarah Bagnis, animatrice nature à la LPO Paca.
« Avec mon collègue Norbert Chardon, cette année, nous sommes intervenus sur trois demi-journées auprès des classes d’Agricampus pour leur apprendre à identifier les différentes espèces d’oiseaux de la région. Nous avions au préalable effectué plusieurs sorties sur l’exploitation, accompagnés de bénévoles de l’association, et nous avions repéré certaines espèces. À ce sujet, nous disposons d’un site dédié où chacun peut faire part de ses observations, www.faune-paca.org. Nous avons aidé les BTS à choisir les meilleurs endroits pour la pose des panneaux qui jalonnent le sentier. Aux autres classes, nous avons prodigué des conseils sous forme de fiches pour la fabrication des nichoirs et des mangeoires.
Le sentier est désormais labellisé « Refuge LPO ». Pour se voir attribuer le label, il faut respecter une charte qui vise différents principes : créer les conditions propices à l’installation de la faune et de la flore sauvages, renoncer aux produits chimiques — l’exploitation de l’établissement est en conversion bio —, réduire l’impact sur l’environnement, notamment en utilisant raisonnablement les ressources naturelles comme l’eau et en recyclant mes déchets ménagers, et faire du refuge un espace sans chasse pour la biodiversité. Pour le moment, pour des raisons de sécurité, le sentier n’est pas ouvert au grand public. Cependant, des visites programmées en groupe sont envisageables. »