Quelle est votre situation ?
Je suis en culture fruitière. J’ai 15 hectares en pommiers et 13 hectares en poiriers. Auparavant, pour pouvoir se développer, nous avions plusieurs cultures, plus rémunératrices. Mais on savait qu’une année sur cinq, on risquait le gel. Nous les avons donc supprimées pour ne faire que des pommes et des poires. Avec ces espèces-là, sur notre secteur, on ne tentait pas le diable, car nous n’étions jamais gelés. Nous savions que ça nous permettrait d’assurer la rentabilité tous les ans même si c’était moins rémunérateur. On s’est spécialisé là-dedans, tout se passait assez bien. Et puis cet aléa climatique est arrivé. Mon père et mon grand-père n’ont jamais connu un gel de cette ampleur. Chez nous, ça n’est jamais arrivé. Ils ont bien eu quelques petites gelées, mais ils ont toujours pu récolter leurs vergers.
Comment s’est déroulé cet épisode de gel ? Quel a été son impact sur votre exploitation ?
Je crois que j’ai touché le gros lot… Entre 90 et 100 % de mon exploitation a été gelée. Ça été assez bref, ça a duré huit heures. La température a baissé d’un coup en pleine nuit, jusqu’à atteindre les − 4°C. À minuit, on était presque dans le négatif et toutes les heures, on voyait le thermomètre descendre. Comme nous avons eu un hiver assez doux, la végétation a démarré un peu plus tôt en floraison. Le souci, c’est qu’à cette période, les fruits craignent, ils sont à un stade où il ne faut pas qu’il fasse aussi froid.
Ça faisait quelques jours qu’on nous avertissait qu’un épisode important allait arriver. Comme habituellement nous ne sommes pas en risque gel sur cette production, je ne suis pas équipé d’antigel. Je suis allé chez mon approvisionneur pour acheter des bougies de paraffine pour essayer de limiter la casse. J’ai tenté de protéger un hectare, mais ça n’a pas suffi. Heureusement, les arbres n’ont pas trop souffert. Ils ont un certain âge et sont déjà formés. Quand on les voit aujourd’hui, on ne croirait pas qu’ils ont gelé. Il y a du feuillage, c’est tout vert, l’arbre est très joli. Le problème, c’est qu’il n’y a plus de production. Cette année, on ne ramassera pas de fruit. Il va falloir attendre l’année prochaine pour récolter.
Quelles sont les conséquences ?
Les revenus vont être catastrophiques. Moi je n’ai que ça. J’engage quand même des frais pour permettre les récoltes suivantes. Ils seront moindres, mais je ne peux pas faire l’impasse sur tout ce qui est phytosanitaire. Avec la pluie, il faut traiter pour éviter d’avoir des maladies sur les arbres et leur permettre de se retrouver en bonne santé l’année prochaine.
Je regarde où je peux faire des économies pour pouvoir passer l’année. Tout investissement est supprimé, ça va être reporté. La grande chance c’est que je n’ai pas de permanent.
Comme on s’est spécialisé dans la pomme et la poire, la récolte se fait sur deux, trois mois. Du coup, on a des contrats saisonniers. Et là, malheureusement, on ne va pas pouvoir les reconduire. J’en avais deux qui devaient arriver au mois de mai, j’ai annulé. Pour le moment, on fait double de travail pour essayer de préserver la production de l’année prochaine. On a informé rapidement la MSA. Elle a dépêché une cellule de crise et a tout de suite communiqué sur son site. Les adhérents savent qu’ils peuvent la solliciter dès qu’il y a un problème, mais nous sommes quand même très indépendants dans l’agriculture. J’essaie de me débrouiller par mes propres moyens. Je peux demander un report d’échéances mais c’est comme tout, après, les reports, il va falloir les payer.