« Tout commence le jour où, comme toute jeune maman, je pars à la recherche d’une solution de garde pour ma fille de quelques mois… Perte de temps, liste d’attente interminable pour obtenir une place en crèche, distance ou horaires incompatibles avec l’emploi et l’insertion profes­sionnelle, autant d’embûches qui font de mon histoire celle de nombreux parents. » Sur le site des Maisons du monde, Pascale Piacentile, directrice et fondatrice de l’associa­tion, livre ce qui fait l’ADN de ses structures.

Crèche Lei Minots Avignon

La crèche Lei Minots est née en 2011 de son rêve d’un accueil tourné vers la mixité, la solidarité, l’adaptabilité, le bien-être, la liberté. « Dès le départ, le projet était de marier à la fois les réservations d’entreprises et des publics en parcours d’insertion socioprofessionnelle. L’idée est d’accompagner et de lever ce frein du mode de garde pour des familles qui ont des difficultés de réinsertion. »

Des habitants sous le seuil de pauvreté

Pour réussir ce mariage, la structure s’est implan­tée dans le quartier prioritaire de Saint-Chamand, où se trouve le marché d’intérêt national (MIN), une zone d’activi­tés dédiée aux métiers de bouche et de l’agroalimentaire, ainsi que le siège de la MSA. Plus de la moitié des habi­tants y vivent sous le seuil de pauvreté. Nous nous trou­vons en effet dans le Vaucluse, 5e département le plus pauvre de l’Hexagone. Avignon est par ailleurs la ville la plus pauvre du Sud, avec trois habitants sur dix vivant sous le seuil de pauvreté et un taux de chômage à 10,4 % (chiffres Insee 2021).

Conséquence directe : un taux de couverture des modes de garde des enfants de 0 à 3 ans en dessous du taux moyen national. C’est de ce constat que part la MSA Alpes Vaucluse lorsqu’elle lance en 2014 un diagnostic sur la petite enfance. « Dans ce département, le rapport de population est un peu différent des autres caisses de MSA, explique Estelle Arnaud-Gamba, agent de dévelop­pement social local. On y compte une forte proportion de salariés, dont la majorité vivent dans des quartiers prio­ritaires de la politique de la ville. Il s’agit en effet pour la plupart de travailleurs saisonniers ou étrangers avec de faibles ressources. Le diagnostic révèlera un très faible taux d’employabilité des femmes, notamment avec des enfants en bas âge, et donc peu de demandes de garde. »

chantier insertion semailles cocagne

La MSA constitue alors un groupe de travail pour ten­ter de trouver des solutions concrètes pour ces familles, avec la CAF, le CCAS de la ville, la PMI, un relais de travail­leurs saisonniers agricoles et des associations du groupe MSA.

Et surtout, l’association Semailles, chantier d’insertion du réseau Cocagne, qui a été le moteur de cette réflexion sur la petite enfance.

« C’était très intéressant de se retrouver entre différents corps de métier, on ne parlait pas le même langage, poursuit Estelle Arnaud-Gamba. Nous avons appris à nous connaître, nous avons revu nos propres représentations professionnelles, nous avons réfléchi ensemble. » C’est là qu’elle croise la route de Pascale Piacentile et des Maisons du monde. C’est le déclic qu’il fallait pour lancer la machine. « Une crèche interentreprises qui fait le choix de laisser des places accessibles au public des quartiers, à 2 km du jardin de Semailles et surtout, chose que nous n’arrivions pas à trouver sur Avignon, elle ouvrait en horaires atypiques (6h45 – 19h30). »

120 enfants en cinq ans

Il n’en fallait pas plus. Les salariés du chantier d’insertion commencent en effet leur journée tôt. La MSA lance un questionnaire afin de connaître en détail les besoins des publics visés. Un problème apparaît : entre le moment de déposer le petit à la crèche et l’ouverture des accueils périscolaires, qui s’occupe du frère ou de la sœur plus âgés ? Pour y remédier, le groupe de travail imagine une solution : l’embauche, subventionnée, d’une garde à domicile via une association MSA afin de s’occuper des enfants dans cet intervalle.

Le partenariat avec les Maisons du monde voit le jour en 2015 : la MSA finance et réserve 2,5 places à la crèche Lei Minots pour ses publics en insertion, soit 9 à 12 familles par an.

Grâce à ces subventions ainsi que celles de la CAF et de l’État, les parents ne dépensent que 0,33 € de l’heure, couches et repas compris. Du côté du chantier d’inser­tion, Estelle Arnaud-Gamba obtient de l’association un allongement du délai d’embauche de ses salariés, qui passe d’un à deux mois, afin de leur permettre d’organiser leur mode de garde avant de démarrer leur nouvel emploi. « Ça a permis aux familles de trouver un emploi stable, confirme Pascale Piacentile. Et pour les plus en difficulté, d’apporter du souffle et de les accompagner dans leur parcours parental. La sociabilisation des enfants en crèche facilite ensuite leur insertion en maternelle. »

Une réflexion globale

Parallèlement, le groupe de travail mène une réflexion globale sur toute la ville, qui compte 12 crèches. La mise en place d’une fiche de liaison, qui permet aux référents des structures d’insertion de noter tous les besoins concer­nant la garde d’enfant de leur salarié, et l’arrivée d’un logiciel de pointage ont permis à la coordinatrice petite enfance du CCAS d’Avignon de répartir en temps réel les besoins.

Les centres sociaux rejoignent l’aventure en 2017. Ces services adaptés au plus près des besoins des familles font mouche. L’information circule entre les acteurs, les familles sont accompagnées et rassurées. En cinq ans, environ 120 enfants ont bénéficié du dispositif à Avignon, du partenariat de la MSA avec la crèche Lei Minots et celles du CCAS. Le taux de couverture des modes de garde de la ville est ainsi passé de 25 % en 2015 à 30 % en 2019. « À notre petite échelle, il suffit parfois de faire du lien entre ce qui existe déjà pour que ce soit possible, assure Estelle Arnaud-Gamba. On a également organisé des journées festives au jardin de Cocagne avec toutes les familles. Certaines mamans venant des centres sociaux ont ainsi pu découvrir à cette occasion Semailles, qu’elles ne connaissaient pas, et y pos­tuler. » La boucle est bouclée.

Les Maisons du monde

Fondée en mars 2010, l’association Les Maisons du monde gère la crèche multi-accueil Lei Minots, ouverte en octobre 2011, et la micro-crèche L’Esquiroù, créée en 2016, qui fonctionnent en accueil régulier et occasionnel.

Lei Minots est conçue pour accueillir 40 bambins de 0 à 6 ans, en horaires atypiques (6h45 -19h30) ; l’équipe de la crèche intègre une personne malentendante. Aux côtés des publics interentreprises, 9 à 12 familles fragilisées ou éloignées de l’emploi sont accueillies par an.

L’Esquiroù, qui reçoit elle aussi un public mixte, compte 10 places en accueil semi-plein air de 7h30 à 18h30. L’association dispose d’un jardin de 800 m2 comprenant un potager partagé avec les familles.

Par ailleurs, les repas sont préparés avec des ingrédients issus de l’agriculture biologique et raisonnée, en circuit court.