Le record du monde du soixante mètres haies est de sept secondes et soixante-huit centièmes, il est détenu par la suédoise Susanna Kallur. Le record d’Huguette au dix mètres obstacles est d’une minute et huit secondes.
Une minute et huit secondes pour parcourir dix mètres et enjamber quatre barres placées à trente centimètres du sol, un temps inconcevable pour l’athlète suédoise de vingt-sept ans. Mais qu’en sera-t-il dans soixante-neuf ans ? Pas sûr qu’elle sera capable de lever la jambe comme notre Huguette qui, avec ses quatre-vingt-seize printemps, passe la ligne d’arrivée et rapporte trois précieux points à son équipe.
Autour d’elle, c’est l’effervescence, les supporters agitent leurs fanions et le personnel encadrant la félicite chaleureusement. Un peu plus loin une autre clameur s’élève. C’est Henri, sur l’épreuve numéro quatre, il a mis en plein dans le mille ! Les acclamations de joie gratifiant sa performance s’éteignent à peine que les haut-parleurs du stade prennent déjà le relai. Le morceau rythmé qui en sort indique aux concurrents la fin de l’épreuve en cours. Déambulateurs, pieds, fauteuils roulants et cannes se dirigent alors dans un balai parfois chaotique vers la discipline suivante.
Quand le Bimsa se prend pour L’Equipe
Nous sommes en direct du Géronto’Challenge. Les quatorze équipes engagées dans la compétition sont arrivées vers dix heures ce matin à Charroux, près de Vichy, dans la Vienne. En provenance d’Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) et de Marpa situées aux quatre coins du département, la grande majorité des athlètes n’en sont pas à leur galop d’essai. Les feuilles de score portent encore la marque de leurs performances réalisées un an plus tôt.
Pour d’aucuns, ce nouveau rendez-vous au sommet est l’occasion de défendre un titre, pour d’autres de le conquérir. Une année d’attente et d’entrainement, de préparation pour les supporters et les organisateurs. Autant dire que la tension est palpable lorsque démarre la cérémonie d’ouverture de cette seconde édition. Attablés par équipe de cinq en bordure du stade, la salle des fêtes de Charroux, les soixante-dix concurrents sont dans les starting blocks.
Cinq, quatre, trois, deux, un…
Ça y est, c’est parti !
Le déroulé des épreuves résumé, l’équipe organisatrice présentée et identifiée grâce à leur t‑shirt, les haut-parleurs crachent enfin la mélodie qui marque le début de la compétition ; elle rythmera, comme les organisateurs qui se déhanchent à chacune de ses itérations, l’ensemble de la journée. En équipe, guidés, soutenus par leurs accompagnateurs, les participants envahissent le stade et rejoignent l’une des sept épreuves, conçues ou adaptées par des professionnels, qui composent cet heptathlon du quatrième âge.
On retrouve ainsi Huguette, sa « Team » et ses trois points glanés sur le parcours d’obstacles, et Henri, tout à sa joie d’avoir fait mouche au tir à la sarbacane. Dans les autres disciplines, les athlètes fournissent encore leur effort. Haut-parleurs, musique rythmée, fin de l’épreuve, on change de discipline !
L’équipe d’Huguette va se confronter à l’épreuve tablette. Ce n’est pas la plus facile car elle requiert de la concentration, des connaissances sur la nutrition et surtout la maîtrise d’un outil technologique. Chez nos athlètes, dont la moyenne d’âge avoisine les quatre-vingt-quinze ans, c’est sur dernier point que peut se faire la différence. Pour certains l’épreuve consiste à répondre aux questions, pour d’autres la véritable épreuve est d’apprivoiser l’outil. S’il n’a malheureusement pas marqué le maximum de point sur cet atelier, Louis saura dorénavant que le stylo n’est pas fait pour inscrire à l’encre ses réponses sur l’écran mais doit s’utiliser comme un stylet… Épreuve tablette : Louis, one point ! (un point).
Des épreuves à passer, de la bonne humeur pour se surpasser
À la table de reconnaissance faciale, après avoir identifié Georges Pompidou, Louis sèche sur la photo suivante. Mais l’esprit de compétition chevillé au corps, il tente une feinte en espérant grappiller quelques point : « Elle, je la connais, on dirait ma copine quand j’avais dix-huit ans ! ». Son sourire en coin et l’hilarité générale ne parviennent pas à infléchir la décision de l’arbitre : « Eh bien, votre amour d’adolescent s’appelle Catherine Deneuve ! ». Image suivante.
Pendant que Louis se creuse à nouveau les méninges, les autres épreuves battent leur plein. Escrime adaptée, Hula Hoop, flash mob (chorégraphie), parcours de guidage de ballon avec bâton, tout en slalom s’il vous plaît, chaque discipline apporte son lot d’exploits.
Porté par l’enthousiasme du personnel accompagnant, des salariés de la MSA Services Poitou, des jeunes en formation aide-soignant et par l’ambiance générale, Michel, 95 ans, se lève de son fauteuil, qu’il ne quitte pourtant presque jamais. « Ah mais si ! Je vais le faire debout ! », il recule de deux mètres derrière la ligne et porte la sarbacane à sa bouche. Après avoir atteint la cible, la boule rebondit loin au milieu de la salle tandis que Michel triomphe : « Vous avez vu ? Il a encore du souffle le Michel ! ».
Le trophée de la facétie pour Henri !
15h30, les haut-parleurs font résonner une dernière fois la salle de leur musique entraînante. Cette fois-ci, ils sifflent la fin de la compétition. Le pas se fait plus trainant lorsque les équipes regagnent les tables pour la cérémonie de clôture. Après l’effort, le réconfort. Goûter, musique et danse folklorique permettent aux participants de reprendre des forces avant le grand moment d’émotion que tout le monde attend : la remise des prix.
« L’an dernier, il y en a qui ont pleuré en recevant leur trophée tellement ça les touche », raconte Sandrine, de la MSA Services Poitou. Trophées par équipe, individuel, pour les premiers ou les plus fair-play, (presque) tout le monde repart le sourire aux lèvres. Mais certains pensent déjà à la prochaine édition. Henri a d’ailleurs conservé une sarbacane et quelques boules.
Il compte bien reprendre l’entrainement dès ce soir, pendant le dîner…