Sur les grilles du Cese, à Paris, les portraits de jeunes ruraux d’Anne-Marie Filaire donnent un écho particulier à cette journée. Pour son exposition « Paysage de jeunesse », la photographe a sillonné la Corrèze entre octobre 2015 et juin 2017 afin de montrer le visage de cette jeunesse d’une région souvent désertée.
Pour continuer à soutenir ces 1,6 million de jeunes ruraux âgés de 15 à 29 ans, Bertrand Coly et Danielle Even, rapporteurs d’un avis rendu en janvier 2017, sont allés à la rencontre des acteurs locaux, avant de les réunir le 27 septembre à Paris1. Ils sont plus de 80 participants de tout l’Hexagone à être venus partager leurs expériences et discuter des politiques de jeunesse en ruralité.
Qu’il s’agisse des Fabriques du monde rural du MRJC, du festival La voie des colporteurs dans l’Ain, de Constell’actions, projet manchois à destination des familles, ou encore de l’association basque Des territoires aux grandes écoles… Les initiatives sont aussi variées que riches et impliquent tous les partenaires du territoire. La MSA est notamment venue parler des « instants santé jeunes », du forum « Entrée dans la vie active » ou encore du projet Etxalte Lab, couveuse agricole.
Qu’est-ce qui fonctionne et pourquoi ? Quelle gouvernance des politiques ? Comment intégrer les jeunes dans les prises de décisions ? Les professionnels ont passé en revue les différents projets présentés, leur genèse, leur évolution, leurs difficultés… L’aspect financier mis de côté, deux points forts ressortent pour permettre un bon fonctionnement : l’implication des jeunes concernés et d’au moins une personne qui joue le rôle de relais, tel un référent jeunesse ou un animateur social de territoire.
« Malgré certaines apparences, il n’y a jamais de territoire où il ne se passe rien, affirme Jordan Parisse, chargé d’études et de recherche à l’Injep, mission politiques territoriales de jeunesse. Les dynamiques commencent à se structurer dès qu’un acteur fait le travail de liant et entretient la dynamique. Mais il n’y a pas de recette universelle, de modèle unique. Il faut comprendre et s’adapter aux spécificités du territoire et des systèmes d’acteurs. Pour que la gouvernance fonctionne bien, il faut une définition commune d’un diagnostic, d’objectifs et d’un cadre pour donner du sens au projet, à réaliser ensemble. Le soutien des élus et l’implication des jeunes étant bien sûr indispensables. Le but est de respecter les logiques de fonctionnement des associations existantes, ne pas imposer une façon de faire ou de penser. »
Un large réseau d’acteurs
La gouvernance d’un projet d’actions en faveur des 16-30 ans de la communauté de communes de Parthenay-Gâtine, dans les Deux-Sèvres, est un bon exemple. « Le comité de pilotage est composé d’élus, de techniciens, d’associations, de financeurs et de jeunes, explique Marianne Albert, chargée de mission au service territoires et proximité. Les quatre groupes de travail impliquent les jeunes dans leur fonctionnement. Objectifs : faire vivre le territoire, le rendre attractif pour les jeunes, construire un projet en réseau, maillé sur le territoire grâce notamment à la création de quatre lieux et de quatre référents jeunesse. » Depuis 2016, les actions se multiplient, comme celui de l’association Un toit en Gâtine et son projet de tiny house, un habitat mobile qui permet d’offrir un logement accessible au plus près de l’activité des jeunes sur les communes rurales les moins développées.
Pour structurer et accompagner les politiques de jeunesse, des schémas départementaux de services aux familles intègrent un axe jeunesse. La CAF les décline grâce aux conventions globales de territoire construites avec les communautés de communes ou d’agglomération. Un large réseau d’acteurs jeunesse se constitue à travers ces conventions, et autant d’opportunités de se rencontrer et de créer de nouveaux partenariats et actions, en co-construction. « Cette intersectorialité est importante pour la bonne animation des politiques territoriales, ajoute Jordan Parisse. Il s’agit de sortir de son espace de travail, prendre du recul, créer de nouvelles collaborations. C’est un investissement dans le temps, pour ne pas que la dynamique retombe. »
Ces différents exemples présentent souvent un terrain favorable et des acteurs impliqués. Comme le fait remarquer un intervenant, la question qui se pose ensuite c’est : comment essaimer ? Peut-être en sensibilisant et impliquant plus les élus, qui peuvent être éloignés de ces questions, répond un autre participant. « Il ne s’agit pas de faire pour eux sans faire avec eux, conclut Pascal Cormery, président de la MSA, à la fin de la rencontre. Pour encourager leur participation, et leur permettre de prendre toute leur place dans la société, il faut leur laisser la place et l’opportunité de s’exprimer et de s’engager. Il convient par ailleurs de leur redonner confiance dans leurs institutions. Une journée comme celle-ci est importante pour échanger et faire en sorte que ces actions soient relayées et poursuivies. Les jeunes ruraux témoignent d’un fort attachement à leur territoire. À nous de leur donner les moyens de s’y épanouir. »
1. Une journée co-construite avec l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA), la Cnaf, l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep), le Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC) et la MSA.
Les coopératives jeunesse de services
À Mirecourt, dans les Vosges, les foyers ruraux du département ont mis en place en 2016 cette expérience qui permet de sensibiliser les jeunes à l’entrepreneuriat.
Le temps d’un été, un groupe d’une quinzaine de jeunes entre 16 et 18 ans se forme pour créer sa propre entreprise coopérative et proposer des services aux habitants, entreprises et associations du territoire (lavage de véhicule, entretien d’espaces verts, de service à la personne, déménagements…). Les membres gèrent tous les aspects, des ressources humaines à la gestion financière, en passant par le marketing et la communication (création d’un site Internet, flyers, logo). Quatre parrains et animateurs les accompagnent. 35 jeunes y ont participé en trois ans, répartis sur trois coopératives. Ils ont perçu en moyenne 250 euros par été. Ils ont surtout appris à monter un projet et ont ainsi valorisé leur CV.
– Photo © CJS Mirecourt 2017
Renault Mobilize, une aide à la mobilité.
Les grandes entreprises aussi participent à cette solidarité envers les jeunes.
Lancé en 2012 par Renault, ce programme propose des solutions pour faciliter l’accès à la mobilité des personnes en difficultés à travers notamment son réseau de garages solidaires. Environ 350 garages Renault, volontaires, proposent des offres d’entretien, de réparation et d’achat et de location de véhicule à prix réduits à des publics identifiés par des prescripteurs sociaux. Une convention avec la CCMSA a été signée en mars 2017 et commence à se déployer dans les caisses.
Pascal Cormery a répondu aux questions du Cese :