« Celui qui diffère de moi, loin de me léser m’enrichit. » Les mots d’Antoine de Saint-Exupéry ont une résonance particulière dans le monde de l’insertion. Mais 77 ans après Le Petit Prince, beaucoup de personnes sont encore laissées sur le bas-côté. Un enjeu de taille auquel le gouvernement tente de s’atteler.

« Aujourd’hui, 140 000 personnes touchent un salaire alors que la société leur faisait penser qu’elles n’étaient bonnes à rien. Mais trop encore se voient refuser la capacité à trouver autonomie et dignité par le travail. Il faut changer d’échelle, annonce Thibaut Guilluy, président du Conseil de l’inclusion dans l’emploi, et directeur général du groupe Ares. Les acteurs de l’IAE ont appris depuis des années à combiner la performance économique et sociale, et cela devrait être intégré à toute l’économie, en remettant l’humain de façon claire et engagée dans le projet des entreprises. »

Doubler le nombre de personnes accompagnées

Après six mois de concertations avec l’ensemble du réseau, dont la MSA via son association Laser Emploi, et l’administration centrale, un pacte d’ambition pour l’IAE est présenté en septembre 2019. Il contient 5 engagements [voir encadré], 30 mesures et 102 actions. La ministre du Travail a également obtenu une augmentation de 200 millions d’euros du budget, qui dépasse désormais la barre du milliard. Objectif affiché de l’État : doubler en 2022 le nombre de personnes accompagnées aujourd’hui dans les 3 700 structures d’insertion par l’activité économique. Même ambition du côté des établissements adaptés (EA), qui passeraient de 40 000 à 80 000 personnes accueillies par an, avec un budget de 500 millions d’euros.

La MSA agit pour l’inclusion dans l’emploi à plusieurs niveaux. Elle aide bien sûr ses ressortissants confrontés à des difficultés professionnelles, comme l’a rappelé Magalie Rascle, directrice du développement sanitaire et social à la CCMSA, lors de la journée de protection sociale des salariés, le 11 février. L’institution a notamment créé des cellules pluridisciplinaires de maintien en emploi, qui ont bénéficié à 1 800 personnes en 2018, des ateliers de l’inclusion, qui ciblent les difficultés susceptibles d’affaiblir les capacités à s’insérer ou se maintenir dans une activité, comme la maîtrise de l‘outil informatique ou d’Internet (« Coup de pouce connexion »), la meilleure gestion des documents administratifs ou l’acquisition de la confiance (« Avenir en soi »). Avec son association Solidel, elle favorise également l’inclusion des personnes en situation de handicap en zone rurale. Celle-ci accompagne 70 Esat et établissements adaptés.

La MSA soutient par ailleurs plus spécifiquement le développement de l’IAE dans les territoires grâce à Laser Emploi qui fédère une vingtaine de structures. « Notre réseau a porté une vingtaine de propositions dans le pacte d’ambition, dont l’idée d’un appel à projets Inclusion et ruralité pour inciter à la création de structures dans les zones rurales isolées, explique Aurélie Rouveyre, coordinatrice du réseau. Il doit répondre à trois enjeux : le rééquilibrage de l’offre d’insertion sur les territoires ruraux ; l’hybridation entre l’économique et le social ; la lutte contre la pauvreté rurale et la dynamisation économique de certains territoires. Cet appel à projets sera pour nous un laboratoire d’expérimentation : notre ambition est de créer un parcours d’accompagnement au développement de structures inclusives en zones rurales et d’y adosser un parcours de recherche afin d’en formaliser et diffuser ensuite les enseignements. »

Toutes ces actions et structures ont permis la création de 10 000 emplois en lien avec l’économie sociale et solidaire.

François Bataillard, directeur de Fleurs de Cocagne.

Dans une ferme, il y a mille métiers.

C’est un extraordinaire process au sens industriel du terme. De la graine au bouquet ou au panier de légumes, c’est une longue chaîne d’actions avec beaucoup d’interaction entre-elles, et il faut une grande intelligence pour pouvoir les conduire.
Ça éveille les esprits. De la plus modeste tondeuse à gazon dont il faut assurer l’entretien, jusqu’au système sophistiqué d’irrigation, il y a de quoi se forger le cerveau. Avec mes 40 ans d’expérience, c’est certainement la boîte la plus maline que je connaisse, un terrain d’expérimentation, de construction personnelle et d’ouverture d’esprit difficile à égaler.

70 000 emplois dans l’agriculture

« On est face à deux problèmes et vous en faites une solution, s’enthousiasme Muriel Pénicaud, ministre du Travail, lors de l’annonce de l’appel à projet au Salon de l’agriculture. D’un côté, l’accès à l‘emploi, la reprise de confiance, le lien social que représente le travail pour nos concitoyens les plus vulnérables. De l’autre, le maintien et la revitalisation des territoires ruraux, ainsi que l’attraction des emplois agricoles. »

Avec 70 0001 postes non pourvus par an dans l’agriculture et l’agroalimentaire en France, 1 million de CDD et 32 000 CDI, le secteur appelle à la mobilisation. Mais le métier est difficile, son image écornée. Pourtant de nombreuses initiatives, comme les jardins de Cocagne, soutenus par la MSA, ou les pactes territoriaux en faveur de l’emploi et de l’inclusion sociale, montrent que ça marche. « Historiquement, l’agriculture est un bon support d’inclusion, témoigne François Bataillard, directeur de la structure d’insertion Fleurs de Cocagne, qui emploie 70 % de femmes, à Avrainville dans l’Essonne. Partout en France, il y a une prise de conscience de l’importance du monde agricole dans la société. Ce renouveau de la paysannerie, au sens noble du terme, appelle à l’embauche. »

« Nous travaillons sur tous les dispositifs existants qui œuvrent à l’accompagnement des personnes éloignées de l’emploi, sans oublier le maintien dans l’emploi, confirme Joséphine Labroue, chef de projet au CIE. Le travail réalisé en amont avec tous les acteurs nous permet d’être plus réactifs dans la mise en oeuvre. » En effet, 30 % des mesures du pacte d’ambition se concrétisent déjà. Le 10 février, un accord est signé pour développer de l’intérim d’insertion, visant à doubler le nombre de personnes accueillies par an, d’ici 3 ans. Une plateforme destinée à faciliter le recrutement des candidats est également en test dans trois départements (Bas-Rhin, Seine-Saint-Denis et Pas-de-Calais). « Nous souhaitons dépoussiérer les procédures administratives gênantes pour les structures, comme l’agrément Pôle emploi, obligatoire pour tout recrutement d’insertion, affirme Thibaut Guilluy. Cette règle a perdu tout son sens et est devenue dans plusieurs cas une contrainte peu utile. Sa suppression est validée par le conseil des ministres, nous attendons sa promulgation probablement à l’automne. »

Côté sensibilisation du monde économique, une masterclass Campus a été créée pour accompagner l’essor des pratiques inclusives, ainsi qu’un tour de France, l’Inclusive tour, pour se faire rencontrer les entreprises. Treize dates sont prévues cette année, en parallèle de l’initiative « La France une chance » dont le CIE a repris le pilotage. Laser Emploi a par ailleurs proposé une mesure pour que, passé un certain âge (autour de 57 ans), les personnes puissent être sécurisées dans leur emploi au sein des structures d’insertion grâce à des CDI.

Des actions déjà concrètes, mais le travail ne fait que commencer pour créer des conditions, des règles, des valeurs qui permettent à chacun de donner le meilleur de soi dans notre société, sans renier les différences.

1. Source : Association nationale pour l’emploi et la formation en agriculture (Anefa).

Les 5 engagements du pacte d’ambition :

– Accompagner chaque personne selon ses besoins.
– Innover et libérer le potentiel de création d’emplois des entreprises sociales inclusives.
– Rallier toutes les entreprises et tous les acteurs publics la cause de l’inclusion.
– Simplifier, digitaliser et coconstruire en confiance.
– Agir ensemble sur tous les territoires.

Photo : Franck Rozé/Le Bimsa.