« On ne peut rien offrir de plus galant qu’un bouquet ; ce don, qui peut être très magnifique, est cependant de peu de valeur ; mais il est toujours la preuve d’une attention aimable et d’un soin délicat. » Ces quelques mots, un tantinet surannés, sont extraits du Langage des fleurs, ouvrage de l’écrivain Louis-Aimé Martin. Mais ils illustrent bien les fondements de l’opération menée par la MSA Nord-Pas de Calais : offrir un bouquet de fleurs aux résidents et aux personnels des maisons d’accueil et de résidence pour l’autonomie (Marpa) qui vivent la crise de plein fouet, entre l’éloignement des familles et le strict respect du protocole sanitaire. Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, la démarche se veut aussi un moyen de venir en aide à la filière horticole locale qui éprouve des difficultés face à la situation actuelle. « C’est une bonne nouvelle ! », déclare Karine Demande, directrice adjointe de la Marpa Les rives du Saint-Anne à Locon, dans le Pas-de-Calais.
Arrêtons-nous un instant sur cette bonne nouvelle, qui n’est pas qu’une station de métro parisienne. Car c’est bon de marquer un temps pour le bonheur, avant de repartir, direction terminus. « Un de nos résidents, entré à l’hôpital il y a deux mois, y a contracté le coronavirus : il est décédé ce mardi 8 décembre », déplore Thierry Danvin, directeur de la Marpa Nova villa à Neuville-Saint-Vaast. « Des funérailles ont lieu demain matin, mardi 15 décembre, qui est aussi le jour de notre repas de Noël et de la remise des bouquets », confie Karine Demande, qui tient malgré tout à faire « une surprise » aux personnes âgées et aux agents. « Le personnel est fatigué : la phobie du moment, c’est de savoir si nous sommes porteurs du virus et comment circonscrire les risques de transmission aux résidents. Du côté des familles, c’est compliqué : elles ont du mal à intégrer les restrictions de visites et en même temps, elles savent qu’elles doivent se plier aux mesures de protection sanitaire pour protéger les aînés. Enfin, les résidents se montrent frustrés, après des mois passés sans voir les petits-enfants ! »
Même son de cloche au sein de la Marpa Nova villa : « Le moral est en baisse, constate Thierry Danvin. Je dirais que nous avons deux profils de résidents : ceux qui acceptent encore de faire l’effort de se protéger, au détriment des visites de proches ; et à l’opposé, des personnes qui admettent difficilement les contraintes et qui essaient de ruser avec le respect des normes sanitaires ! Le personnel doit faire face à une charge de travail pesante psychologiquement : le contrôle des allées et venues et la vérification du respect des consignes sanitaires. » L’équipe s’efforce de responsabiliser chaque personne à agir avec sérieux tout en respectant les gestes barrières.
Pour préserver le lien social, l’établissement met en place des zones de rencontre à l’intérieur et à l’extérieur des locaux. En un mois et demi, plus d’une centaine de visites peuvent ainsi se dérouler grâce à cet aménagement. Les résidents disposent également d’une salle dédiée aux communications par visioconférence, pour du baume au coeur à distance. Sous prétexte de respect des consignes sanitaires, il ne faudrait pas non plus momifier ces espaces de vie que sont les Marpa ! D’ailleurs, la première catégorie de résidents reconnaît volontiers ne pas être « si mal lotie » : « Nous rencontrons du monde, nous participons aux activités organisées et nous ne prenons pas de risques en allant faire les courses », relate Thierry Danvin.
Alors oui, arrêtons-nous un instant à la station Bonne-Nouvelle. « Cette initiative de la MSA Nord-Pas de Calais a tout de suite été saluée par le bureau de l’association qui gère notre Marpa, renchérit le directeur de l’établissement neuvillois. C’est important également de ne pas oublier le personnel qui a beaucoup donné en matière de relationnel tout au long de l’année 2020, en discutant avec les résidents, en les rassurant, en leur rendant des services (courses, lavage des cheveux…). » Ainsi, du 15 au 23 décembre, ce sont quelque 300 compositions florales issues des productions horticoles locales qui sont distribuées aux résidents et aux personnels de toutes les Marpa du Nord et du Pas-de-Calais : l’opération mobilise, dans la transversalité, l’ensemble des services de la MSA du cru et notamment la vie mutualiste.
Un soutien qui profite à la filière horticole. À Lestrem, près de Locon, la boutique Dominique fleurs livre 29 compositions de « jacinthes françaises » dans des barquettes, nous garantit-on par téléphone, et « remercie la MSA de les faire travailler » ! À Neuville-Saint-Vaast, Marie Dhaine, fleuriste en double activité affiliée à la MSA et connue sous l’enseigne Bleu campanule, propose 33 bûches en bois piquées de trois jacinthes roses chacune. Les fleurs proviennent des établissements Courquin, à Saint-Omer. Le grossiste nous assure que les bulbes sont mis en godet « dans du terreau spécial » et qu’ils se développent sur place. Cette année, le marchand a écoulé près de 40 000 jacinthes.
Reste à se pencher sur le message. Selon la plupart des sources d’information, dans le langage des fleurs, la jacinthe parle des joies du cœur. Elle symbolise la délicatesse et la joie de vivre. Sa signification principale est : « Je suis heureux de vous aimer. » La jacinthe rose s’offre à une amie ou à une maman. C’est la fleur idéale à offrir à l’occasion d’une invitation à un dîner. Un chef cuisinier alsacien utilise la technique de l’enfleurage « qui a construit la réputation des plus merveilleux parfums de la ville de Grasse » pour en faire un beurre aromatisé avec lequel il recommande de badigeonner une crêpe chaude ou de concocter de délicieux baklavas.