Tout le monde est sur le pont et personne ne bat en retraite. Pour débattre de la réforme se sont attablés Pascal Cormery (président de la MSA), Thierry Manten (premier vice-président), Anne-Laure Torresin (directrice déléguée du réseau), Julien Aubert (député LR du Vaucluse), Adrien Morenas (député LREM du Vaucluse) et François Charpentier (journaliste spécialiste des retraites).
Comme dans de nombreux foyers, la télévision s’est invitée à l’heure du repas. Éclipsant un instant le maître de cérémonie, le sénateur Les Républicains Alain Milon, qui parraine cette rencontre, apparaît pour une intervention filmée. Après que la maîtresse de maison, la présidente de la MSA Alpes Vaucluse, Marie-Claire Salignon, a présenté par le menu le fil de la discussion, le sénateur du Vaucluse, nous sert un amuse-bouche en guise de punchline : « Comprendre cette réforme ? Je vous souhaite bien du courage ! »
L’entrée, c’est François Charpentier qui l’a mitonnée. Question retraite, ce journaliste spécialisé est un chef. Des origines à aujourd’hui, il en connaît toutes les recettes. Ce qui, à l’écouter, n’est pas le cas des médias : « il y a une désinformation sur le sujet des retraites due à un manque de compréhension ». Et lorsqu’il aborde le plat de résistance, le cas des ressortissants agricoles, la salle comprend que ceux-ci sont loin, très loin de faire bombance. « Les exploitants agricoles ont les plus basses pensions de ce pays. Ce n’est pas nouveau. » Et ça n’a pas changé au XXIe siècle comme le démontre Pascal Cormery qui précise que la retraite moyenne pour un homme est de moins de mille euros par mois, pour un âge moyen de départ à la retraite de 63 ans.
Une réforme des retraites est-elle nécessaire ? Tous en sont convaincus autour de la table. Mais chacun veut y mettre son grain de sel. Au milieu de sa brigade éparpillée, le maître queux, François Charpentier, supervise les échanges comme le lait sur le feu. Il met en garde sur le fait que : « La réforme des retraites, ce n’est pas la voiture-balai des inégalités. » Pour les orateurs, il faut en effet mieux baliser le parcours de vie, arrêter de vendre de la peur, redéfinir le statut d’aidant…
Trois demandes particulières
Fin gastronome ou plutôt politique, Alain Milon l’a bien dit lors de son intervention : « Cette réforme est-elle nécessaire ? Oui, compte tenu de la démographie (baby-boom) et de l’allongement de la durée de vie mais ce ne sera pas sans conséquence, notamment sur le régime agricole. »
« La MSA souscrit aux objectifs généraux que poursuit cette réforme », indique Marie-Claire Salignon. Pour les non-salariés agricoles, « nous étions déjà pour une partie sur un système à points et sur l’ensemble de la carrière, précise Pascal Cormery. C’est pourquoi la MSA n’est pas complètement défavorable à la réforme qui est intéressante sur cet aspect-là ». Elle a toutefois fait trois demandes particulières. Premièrement, elle souhaite disposer d’une visibilité, meilleure que celle proposée, concernant l’impact de la réforme sur le niveau des retraites en particulier à un horizon proche. Ensuite, elle demande que les retraites d’aujourd’hui puissent bénéficier des 85 % du Smic qui sont annoncés pour ceux qui bénéficieront de la retraite à terme dans le nouveau système. Pour finir, la MSA propose d’améliorer le dispositif qui est envisagé pour un certain nombre de catégories. Cette dernière proposition vise notamment le statut (« le sous-statut » pour Adrien Morenas) des femmes en agriculture. Il est ainsi demandé que les femmes puissent cotiser d’un point de vue forfaitaire de manière à ne pas tenir compte du revenu.
Pour la MSA, l’un des enjeux majeurs de cette réforme est de protéger ce qui fait sa force, ce qui constitue son ADN : le guichet unique. Son maintien est indispensable. En effet, la gestion simultanée de toutes les branches de sécurité sociale est, selon Pascal Cormery, le meilleur moyen de s’assurer que les ressortissants bénéficient effectivement de tous leurs droits sociaux. Thierry Manten précise, lui, que cet équilibre pourrait être mis à mal. Pire, que ce serait la fin du guichet unique si les salariés agricoles partaient du régime. Faut-il s’alarmer ? Pour Alain Milon, « si un régime systémique était mis en place, les structures de la MSA doivent servir à la mise en application sur le territoire de ce nouveau régime. La MSA est présente partout donc elle doit servir à l’installation de ce système. De toute façon, au niveau de sa structure et de sa répartition géographique, le Premier ministre l’a précisé, au Sénat, elle n’est pas mise en danger et servira beaucoup. »
Depuis cette rencontre en Avignon, le recours à l’article 49.3 de la Constitution a signé l’arrêt des débats sur la réforme des retraites en première lecture à l’Assemblée nationale. Prochaine étape : l’entrée en scène du Sénat qui examinera en avril la nouvelle mouture du texte contenant les amendements pris en compte par le gouvernement. À suivre.