20 millions. Le nombre de personnes concernées a de quoi donner le vertige. Et il ne fait qu’augmenter en raison du vieillissement de la population, des expositions aux pollutions, des évolutions des modes de vie et des comportements (sédentarité, tabagisme, mauvaise alimentation…) mais aussi des progrès constants de la médecine – avec l’allongement de la durée de vie et la chronicisation de pathologies autrefois aiguës…

Quid alors de la pérennité de notre système du fait du lourd tribut sanitaire et des dépenses importantes qu’elles génèrent (près de 84 milliards d’euros, soit 60 % du total des dépenses de santé) ?

« L’adaptation de notre système de santé et de son financement représente un défi majeur, indiquent les rapporteurs de l’avis pour la section des affaires sociales et de la santé : Michel Chassang, du groupe des professions libérales (ancien président de la confédération des syndicats médicaux français), et Anne Gautier, du groupe de l’agriculture (présidente de la MSA de Maine-et-Loire et vice-présidente de la CCMSA). Construit dans un but curatif, il repose avant tout sur des rencontres ponctuelles, le plus souvent de courte durée, entre un médecin et un patient ou une patiente en vue de le guérir. Or, la durée d’un traitement ou de la prise en charge n’est plus limitée à la guérison mais désormais à l’espérance de vie du patient ou de la patiente. »

Répercussions économiques, sociales et sociétales

La hausse importante de la prévalence des maladies chroniques révèle un changement profond dans les besoins de santé des populations et impose, pour les auteurs de l’étude, une transformation d’ampleur. « Le traitement des maladies chroniques nécessite un travail d’équipe, coordonné entre la médecine de ville, l’hôpital, les établissements pour personnes âgées dépendantes, le médico-social et le social, ainsi que tous les autres intervenants. Cette coordination doit être fluide, sans complexifier le parcours de soins, en veillant à conserver la liberté de choix des patients et des patientes, comme l’indépendance des professionnels et professionnelles de santé. »

Mais ils pointent que la réponse ne peut pas être uniquement sanitaire : l’évolution en marche met en jeu la préservation des principes de solidarité de notre système et a des répercussions économiques, sociales et sociétales qui nécessitent un engagement de toutes les politiques publiques.

L’avis revient d’abord sur le régime des affections de longue durée (ALD) créé en 1945, qui a organisé la solidarité collective face à certaines pathologies : il permet le remboursement des soins liés à des maladies comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse. Les auteurs indiquent toutefois que ce dispositif ne repose pas sur une définition générale de la maladie chronique mais sur une liste d’affections. « Maladies chroniques et ALD sont en réalité deux notions qu’il faut distinguer. »

Quatre priorités transversales

Le CESE reprend la définition transversale choisie par le Haut conseil de la santé publique qui considère la situation de la personne dans son ensemble et intègre la dimension médico-sociale de la maladie. Car les retentissements de celle-ci sont multiples : pour la personne qu’elle touche, pour son entourage, pour les professionnels impliqués dans sa prise en charge, pour l’égalité en santé, pour le travail ou encore en matière de recherche.

Face à ces défis, le CESE affiche des préconisations concrètes autour de quatre priorités :

Agir sur les causes des maladies chroniques, via des politiques publiques collectives et individuelles de prévention :

  • confier conjointement aux ministères de la santé et de l’environnement la mission de définir, mettre en œuvre, évaluer et contrôler une politique publique de prévention des maladies chroniques ;
  • porter, au sein de l’Union européenne, une stratégie ambitieuse et cohérente de réduction des expositions aux perturbateurs endocriniens en homogénéisant les législations européennes ;
  • afficher via l’étiquetage la présence dans les produits de substances comportant des facteurs de risques des maladies chroniques et appliquer avec plus de vigueur l’interdiction de la publicité trompeuse ou mensongère.

• Instaurer une formation adaptée de l’ensemble des acteurs et actrices du soin et de l’accompagnement des maladies

  • renforcer les formations initiales et continues des professionnels et professionnelles de la santé et de l’accompagnement social et médico-social ;
  • développer des programmes indépendants de recherche sur les maladies chroniques multidisciplinaires et participatifs.

• Améliorer la pertinence des soins et la fluidité des parcours

  • accélérer le déploiement du dossier médical partagé, et proposer systématiquement son ouverture au moment de l’annonce de la maladie ;
  • activer le déploiement de la télémédecine en l’orientant vers la prise en charge des maladies chroniques tout en veillant à ce qu’elle n’ait pas pour conséquence d’aggraver les inégalités de santé (sociales, territoriales).

• Prendre en compte la satisfaction et le bien-être du patient atteint d’une ou de plusieurs maladies chroniques

  • recentrer davantage la médecine du travail, dans une logique de parcours, sur le maintien ou le retour dans l’emploi des salariés et salariées souffrant de maladies chroniques ;
  • lutter contre la déscolarisation par une mise en œuvre effective des droits des élèves atteints de pathologies chroniques.

Pour en savoir plus

L’avis peut être consulté et téléchargé sur le site du CESE.