La médiation à la MSA, comment ça marche ?
Jean-Marie Marx : Il est primordial que les assurés sachent qu’en cas de litige, ils doivent d’abord saisir la commission de recours à l’amiable (CRA) de leur caisse. À la MSA, le médiateur n’intervient pas sur un problème d’application du droit sans décision de la CRA, contrairement au régime général où la médiation, interne aux caisses, se fait essentiellement en amont de cette instance.
C’est un point extrêmement important car près du quart des saisines que je reçois sont non recevables de ce seul fait. Il est également important de savoir que nous ne traitons pas tous les dossiers. Le deuxième motif de non recevabilité concerne ainsi des saisines qui sont en dehors de mon champ de compétences comme les dossiers impliquant des décisions médicales, les litiges entre assurés et professionnels de santé, ou encore tout ce qui est indu ou demande d’échéancier.
En résumé, en cas de litige, l’assuré s’adresse d’abord à la CRA de sa caisse. Si la décision ne lui convient pas, il peut saisir soit le médiateur, soit directement le juge, dans un délai de deux mois. S’il saisit le médiateur, les délais de recours au juge seront reportés.
Y a-t-il un avantage à ce que la médiation intervienne après la CRA ?
Cela permet de veiller à l’indépendance de la fonction de médiation. Contrairement aux médiateurs du réseau du régime général, je ne suis pas un collaborateur de la caisse. Les décisions des CRA me sont soumises et si j’ai des questions, j’interroge le correspondant que j’ai dans chacune d’entre elles. C’est lui qui va me fournir les informations mais je n’ai pas accès directement au dossier.
C’est une particularité de l’institution que de privilégier le traitement en proximité, notamment par des élus siégeant dans les CRA. C’est comme cela depuis la création de la médiation à la MSA, en 1999. Ce choix a été confirmé depuis, y compris dans les dispositions législatives issues de la loi Essoc puisque le code rural indique clairement que le médiateur intervient post CRA.
Concrètement, quel est le rôle du médiateur de la MSA ?
Comme j’interviens après la CRA et que le travail dans les caisses est en général bien fait, je remets rarement en cause leurs décisions. Dans 9 cas sur 10, je la confirme. Ce qui manque encore trop souvent en revanche, c’est l’explication circonstanciée de celle-ci. Souvent, les réponses des caisses sont assez courtes et mon rôle est alors de nature surtout pédagogique. C’est important de donner des éléments d’explication.
Nos courriers font trois, quatre pages, nous essayons d’avoir des réponses personnalisées et argumentées à chaque questionnement de l’assuré. Même si on ne lui donne pas raison, il sait qu’il a été pris en considération. C’est d’ailleurs l’objectif de la loi Essoc. La médiation est là pour renforcer la confiance de nos concitoyens vers les institutions publiques ou de protection sociale. Dans les cas où je fais des recommandations de révision de décisions, elles sont presque toujours suivies par la caisse (parce que nous ne sommes pas décideurs) et mon avis est envoyé le même jour à l’assuré et à la direction de la caisse. Nous sommes totalement transparents.
Ensuite, c’est au directeur de la caisse de prendre la décision. Il n’y a que quelques cas par an où il ne reprend pas ma proposition ; il s’agit de sujets sur lesquels mon interprétation des textes juridiques diverge de celle de la caisse ou bien si le caractère exceptionnel de la situation n’est pas reconnu par elle. Ces cas permettent aussi d’amener des discussions internes avec la direction de la réglementation de la caisse centrale pour faire évoluer les pratiques, donner des consignes aux caisses et parfois même changer la réglementation. Nous sommes aussi là pour ça.
Quelle est l’évolution de l’activité de la médiation depuis votre prise de fonction ?
L’activité de la médiation reste stable à un niveau élevé. Elle s’est fortement renforcée depuis la loi Essoc de 2018 qui a introduit la généralisation de la médiation dans les organismes de sécurité sociale. Nous sommes passés de 450 saisines par an à environ 2 000 en 2022, et ces chiffres sont confirmés pour 2023.
Cela est dû à une meilleure connaissance de la mission de médiation, c’est vrai dans le domaine agricole mais aussi de manière plus générale, et à la communication interne faite à partir du site de la MSA qui a une rubrique « Médiateur ». En ce qui concerne la répartition dans le régime agricole, 32 % des saisines émanent des salariés ; ce qui est logique puisqu’ils sont majoritaires, 14% des non-salariés et employeurs, 25% des retraités et 1% des pluriactifs. Là aussi, nous sommes dans une sorte de stabilité.
Les saisines que vous recevez sont de quelle nature ?
Si, à la base, on peut dire que nous avons été créés pour répondre à une problématique d’application du droit à la situation des assurés, ces sujets représentent un peu moins du quart de nos saisines (entre 20 et 22 %). En revanche, 30% concernent la qualité de service. Ce sont les délais, la qualité et l’incomplétude des réponses qui sont en cause. C’est un sujet sensible sur lequel la MSA travaille.
Cela porte ses fruits puisqu’on constate une forte baisse des saisines relevant de la qualité de service (–20% par rapport à 2021). S’agissant de celles concernant la mutation de dossiers du régime général vers la MSA, ça marche beaucoup mieux car des relations ont été établies entre les institutions au plan local. Concernant les délais pour la CRA, le processus a des délais contraints : il faut instruire le dossier, rédiger les comptes-rendus, rendre les avis, soumettre la décision de la caisse à la Mission nationale de contrôle (MNC) puis notifier la décision à l’assuré.
Cela prend en moyenne quatre mois. Les gens s’impatientent. Mais parfois ce sont les assurés qui ne fournissent pas tous les éléments ou ils sont difficiles à obtenir. Ce peut être le cas lors de la liquidation de la retraite d’un salarié agricole dont une partie de l’activité s’est déroulée dans un pays étranger. Avant de liquider il faut obtenir l’état des lieux, la position de la caisse étrangère, et cela peut mettre du temps.
Et sur quels sujets portent-elles ?
Il y a trois catégories principales : les sujets maladie/maternité/paternité/ invalidité, les sujets prestations familiales/minima sociaux et les sujets vieillesse/veuvage. Les deux premières catégories représentent chacune 30% des saisines totales. La branche vieillesse/veuvage se maintient entre 20 et 25 % des saisines. Dans cette catégorie, la revalorisation des petites pensions des non-salariés agricoles via les lois Chassaigne 1 et 2, les contestations sur les montants de pensions liquidées ou sur la date d’effet de la pension font l’objet de nombreuses saisines.
Pour la branche maladie/maternité/ paternité/invalidité, nombre de litiges portent sur le respect de la date d’envoi des arrêts de travail. Ce que nous conseillons à ce sujet, c’est la transmission via l’espace personnel, qui laisse une trace. Par courrier, ça peut être compliqué. Concernant le congé paternité, ce sont les quatre jours de congés qui doivent être accolés aux trois jours de congés de naissance qui posent question car, s’ils ne sont pas pris, tout le reste du congé est refusé.
Pour les prestations familiales, les saisines concernent le Revenu de solidarité active (RSA), le calcul de la prime d’activité, l’Aide personnalisée au logement (APL)… les incompréhensions sont nombreuses. Pour l’APL par exemple, la formule de calcul est hallucinante ! L’algorithme prend en compte énormément de facteurs. Des personnes se voient supprimer leur aide sans en comprendre la raison, alors ils me saisissent.
Il faut également noter la part faible mais croissante occupée par les accidents du travail. Proche de 0 en 2000, elle représente 6,5 % des saisines en 2022. Un grand nombre des litiges portent sur la reconnaissance de l’origine professionnelle d’un accident.
Quels sont les axes d’amélioration à la MSA ?
Comme tous les ans, nous avons formulé un certain nombre de recommandations pour améliorer les choses. Par exemple, nous avions précédemment relevé l’importance de la mise en ligne du service de réclamation. Il l’est depuis le début de l’année 2023. De même, on note une amélioration en ce qui concerne les délais de traitement ou les courriers-types utilisés.
Nous recommandons par ailleurs l’amélioration des délais de traitement et de réponse en général. Mais encore une fois, ce ne sont pas des délais spécifiques à la MSA. Par exemple, les CPAM peuvent mettre 5 à 6 mois à verser les indemnités journalières. Les motivations de décision parfois laconiques et la prise en compte des arguments présentés par les assurés peuvent aussi être améliorées tout comme le renforcement de l’information dans certains domaines (revalorisation de retraites, notion de cotisant de solidarité).
Cela permettra de combler le sentiment d’incompréhension qui peut exister entre les citoyens et les services publics.
Comment saisir le médiateur ?
Par Internet : saisinemediateur.msa.fr ou sur le site de votre caisse de MSA.
Un formulaire est disponible sur la page du médiateur (accessible via onglet “le médiateur” dans le bandeau en bas à gauche de l’écran d’accueil).
Par courrier adressé à :
Monsieur le Médiateur de la MSA
Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole
19, rue de Paris CS 50070
93013 Bobigny Cedex.
* Loi pour un Etat au service d’une société de confiance.