Après le décès de son mari, fin décembre, suivi peu après d’une hospitalisation, Renée, 79 ans, s’est installée chez sa fille, Christelle. Entre ses pertes d’équilibre et l’anxiété, pas question de retourner seule dans sa grande maison normande. « Je veux revenir en me sentant sécurisée. J’ai encore l’appréhension de tomber, après l’émotion que j’ai eue. » Le temps de se remettre sur pied et de se sentir prête, Christelle lui propose une solution.
Être plus sereins
C’est là que Marie-Claire Roussel, conseillère en téléassistance pour Présence Verte, intervient. En quelques jours, le rendez-vous est pris pour mettre en place le dispositif. Pour Christelle et son mari, installer ce système d’alarme était une évidence. « Tant que la maison n’est pas vendue, ça nous rassure de savoir que, si elle tombe et si le téléphone n’est pas à proximité, maman peut déclencher son bip. Si ça lui permet d’être plus sereine, ça n’a pas de prix. »
Test de l’équipement, du son, du médaillon (jusqu’au bout du jardin), coordonnées du réseau de solidarité (jusqu’à quatre personnes qui s’engagent à intervenir en cas de besoin)… tout est prêt.
« La seule chose à retenir pour vous, c’est que vous appuyez ici en cas d’urgence, le reste ça se fait tout seul. » Marie‑Claire, d’une voix calme et claire derrière son masque, sait comment rassurer Renée. Il faut dire que, depuis 12 ans qu’elle pratique ce métier, la technicienne connaît son sujet.
En cette matinée quelque peu grisonnante de février, elle n’est pas venue seule. Patrick Lefebvre, président de Présence Verte Centre Nord, la suit pour sa tournée du jour à Doudeville, en Seine-Maritime. Un choix pas anodin puisqu’il y a dirigé l’agence du Crédit agricole pendant six ans.
Après avoir élargi son territoire aux départements des Yvelines et du Val-d’Oise en 2020, puis à la Picardie et au Nord-Pas-de-Calais en 2021, Présence Verte Haute-Normandie est devenue Centre Nord.
L’association compte désormais 10 538 abonnés en téléassistance dans 9 départements et livre 11 250 repas par mois dans l’Eure et en Seine-Maritime.
Élu à la MSA Haute-Normandie depuis 1994, il prend ses fonctions à Présence Verte en novembre 2020. Afin de mieux appréhender le fonctionnement de l’association, il décide de partager le temps d’une journée le quotidien des équipes, qui comptent 38 salariés. Mi‑décembre 2021, il accompagne Tiffany lors de sa tournée de portage de repas, à Rouen et ses alentours. « On n’a pas arrêté, je n’ai jamais autant monté d’étages ! Notre première cliente était une dame de 102 ans, aveugle. Elle avait toutes ses facultés, j’ai bien discuté avec elle. »
Ce Normand pur jus, à la vie bénévole bien remplie, n’allait pas se laisser arrêter par la retraite. « Étymologiquement, cela signifie se replier, mais je ne voyais pas les choses comme ça. J’ai renforcé mon investissement à la MSA et à Présence Verte notamment. J’ai découvert l’activité de portage de repas et la protection du travailleur isolé, que je ne connaissais pas. Pour moi, être président c’est savoir de quoi on parle ; faire une immersion sur le terrain me paraissait donc important. Cela me permet de connaître les salariés et leurs conditions de travail. Tiffany et Marie-Claire ont été très professionnelles et souriantes. Elles font preuve de beaucoup d’empathie, ça compte face à une population un peu fragile. »
Garder du lien
Car Présence Verte, c’est aussi du lien social. Une option convivialité est même proposée pour échanger avec des opératrices spécialement formées à l’écoute. Sur le terrain, Marie-Claire et ses huit collègues de Seine-Maritime et d’Eure gèrent chacun un panel d’environ 1 000 abonnés. Ils tissent malgré cela un lien parfois fort avec eux.
« Ce qui me plaît, c’est la relation avec mes petites mamies et mes petits papis, comme je dis toujours, s’amuse Marie-Claire. On change d’environnement tout le temps, de personnalité, de caractère, d’âge également puisque nous avons des personnes plus jeunes en situation de handicap. Il faut s’adapter à tous les cas de figure. Et, dès qu’il y a une petite anomalie, on la détecte et la centrale d’écoute les appelle. Nous sommes en lien tout le temps, ils ne nous oublient pas.
Il m’est arrivé de rester des nuits entières par terre. Je le porte tout le temps, ça me rassure.
Huguette, 76 ans
Trois tournées de gel hydroalcoolique plus tard, Marie-Claire et son élève d’un jour arrivent chez Huguette, 76 ans, pour changer la pile de son bracelet. Elle vit seule depuis six ans et est abonnée depuis trois ans. « Ma fille l’a demandé parce que je tombais souvent. Il m’est arrivé de rester des nuits entières par terre… Je le porte tout le temps, ça me rassure, ça fait une surveillance. Depuis que j’ai de l’oxygène ça va mieux, car je fais aussi de l’apnée du sommeil. »
« Ce sont souvent des veuves qui peuvent se sentir seules, mais je les trouve très positives et avec beaucoup d’humour. » Patrick Lefebvre, qui a vécu et travaillé dans la capitale du lin, est intarissable sur l’histoire des habitants. Les discussions sur l’ancien boulanger ou le pharmacien vont bon train. « J’aime le contact, j’en ai eu beaucoup dans mon métier. Continuer avec la MSA me permet de voir du monde et de me sentir utile. »
Huguette, Jacqueline, Nicole, Odile… Marie-Claire enchaîne les visites et les tests auprès de la centrale d’écoute, change les piles, prend le temps de papoter quelques instants et de vérifier que tout va bien.
Avec Nicole, 85 ans, qui n’entend plus très bien, la conseillère parle beaucoup avec les mains.
Sécuriser un large public
Depuis 12 ans, les évolutions sont palpables. « Nous avons des personnes de plus en plus âgées. À mon arrivée, lorsqu’on avait un seul centenaire, on était très contents. Aujourd’hui il y en a de plus en plus, et qui restent à la maison, sont autonomes et au top de la forme ! Le matériel est aussi de plus en plus performant. Avant il fallait obligatoirement une ligne de téléphone fixe, désormais les appareils fonctionnent avec des cartes SIM, il y a des détecteurs de chute, des détecteurs de fumée connectés, des bips géolocalisables… On couvre un large public. Ce n’est pas une solution miracle, mais on arrive à sécuriser de plus en plus de personnes. Quand quelqu’un nous dit “Je suis tombé la dernière fois, ça m’a bien servi”, ça fait plaisir. »
Si le Covid a rendu plus difficile le contact, si les masques cachent un peu les sourires, le regard bienveillant et l’engagement ne faiblissent pas. Le plus important reste de pouvoir réagir au plus vite en cas de problème. « Pour nous, une alarme ne s’arrête pas tant qu’on n’a pas quelqu’un sur place qui nous dit “C’est ok, on n’a plus besoin de vous”. »
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