Des collectifs mis à mal
Isolement, arrêt des projets, perte de sens, sentiments d’injustices… Après plus d’un an de crise, l’organisation du travail est source d’interrogations et de doutes pour nombre de salariés et d’entreprises. Mais cette période incertaine a pu aussi être l’occasion de réinterroger notre façon de faire.
« Face aux contraintes, les individus ont dû s’adapter et essayer de trouver des marges de manœuvre. Les collectifs ont bien souvent été mis à mal mais ont réussi à tenir la barre, à être proactifs, constate Philippe Babut, conseiller en prévention des risques professionnels à la MSA Auvergne. Nous avons essayé d’accompagner les entreprises et trouver des solutions pour les aider. Mais avec la modification de notre activité depuis plusieurs années, nous avions déjà nous-mêmes des difficultés à coordonner nos actions. On se retrouvait parfois, lors d’un rendez-vous, sans avoir toutes les informations, comme le nombre exact d’accidents du travail en temps réel ou les dernières actions mises en place. Ce qui a été exacerbé par la crise. Suite au confinement, nous avons réfléchi et décidé de faire appel à Aphos pour nous aider à repenser notre organisation. »
Mettre l’humain au cœur des changements
« Notre méthode consiste à prendre en compte l’ensemble des sphères, individus, collectifs de travail et entreprises, dans le processus, et créer de la convergence entre les enjeux de chacune, explique Ferdinand Moneger, gérant du cabinet d’ergonomie, situé à Mozac, dans le Puy-de-Dôme. Il s’agit de mettre l’humain au cœur des changements tout en étant en phase avec les critères de performance de l’entreprise, la santé-sécurité au travail autant que la productivité, la qualité, le respect de l’environnement… » Le tout, de manière participative.
« Nous mobilisons toutes les parties prenantes de façon à projeter collectivement toutes les situations de travail, les anticiper, les tester par rapport aux solutions proposées afin d’évaluer leur pertinence, pour qu’elles répondent à la réalité, continue Andy Silini, ergonome pour Aphos. Entres autres solutions, un cahier des charges est en cours de construction avec les équipes de la MSA pour développer un outil. » Grâce à lui, les collaborateurs auront accès, depuis leur smartphone si besoin, à toutes les informations de l’entreprise dans laquelle ils interviennent : problématiques, actions mises en place les cinq dernières années par les collègues, aides financières…
Autre exemple d’accompagnement du cabinet, dans un secteur fortement touché par le manque d’attractivité : celui de l’abattoir. « La crise sanitaire a exacerbé le besoin de conserver les savoir-faire développés depuis plusieurs années, souligne Ferdinand Moneger. Nous avons mis en place une démarche de reconstruction d’un processus de travail au sein d’un abattoir, dans toutes ses étapes, en mettant autour de la table toutes les parties prenantes : opérateurs, managers, la direction et les services vétérinaires. Il s’agit de faire converger les valeurs des uns et des autres au service d’un même objectif : reconcevoir une ligne de découpe qui permette aux personnes de se préserver et de faire un travail de qualité. On s’est également rendu compte que des questions de formation qui se posaient. Cette démarche, par le prisme des compétences, a ainsi permis de favoriser le maintien en emploi et l’attractivité des métiers. »
Retrouver du sens
Une démarche d’implication du collectif importante aujourd’hui, à l’heure du retour, même partiel, au bureau pour certains désormais habitués au télétravail à 100 %. « C’est du cas par cas, précise Marie Larue, ergonome pour Aphos, mais il faut créer des démarches participatives sur des questions telles que : quels seront les usages des bureaux demain ? Qu’est-ce que le bureau va nous apporter de plus qu’on n’a pas chez nous ? En discutant tous ensemble on prend du recul, on a des projets communs, des connexions sociales… C’est comme ça qu’on se rend compte qu’à la maison, on n’a pas vraiment tout ce dont on a besoin, et qu’on arrive à revenir petit à petit au sein de l’entreprise, même si ce n’est gagné pour tout le monde. Cela implique que les bureaux puissent offrir ce qu’il faut pour faire son travail dans les meilleures conditions possibles et de manière qualitative. »
« Il faut du sens pour faire machine arrière, et ce sens-là revient lentement, souligne Philippe Babut. Une entreprise qui pense que du jour au lendemain, il suffit de claquer les doigts pour que le travail redevienne comme avant, va aller très rapidement vers un échec. »