Comment se présente la situation sur votre territoire ?

Sur certains secteurs, il y a eu des pics de températures à – 7 °C, ça fait des ravages irrécupérables. En Dordogne, la viticulture est beaucoup touchée ; dans le Lot-et-Garonne, c’est surtout l’arboriculture. Si une estimation précise est difficile à ce stade, notamment pour les vignes, qui peuvent avoir des bourgeons secondaires, les dégâts sont tout de même très importants, certaines exploitations sont touchées à 100 %. Des gens ont perdu toute leur production et leur travail d’une année, c’est dramatique.

Et il ne faut pas oublier les salariés impactés derrière. Ce sont des productions consommatrices d’emplois saisonniers. Certains vont se retrouver en situation de précarité. Au-delà de l’incidence directe sur l’outil de production se déclinent, en chaîne, de nombreuses perturbations sur l’emploi, le salariat, les structures et outils de transformation et, au bout, le commerce. C’est tout cela qu’il faut appréhender.

L’État a annoncé l’ouverture et le déplafonnement du fonds des calamités agricoles, ainsi qu’un budget d’un milliard d’euros. Cela suffira-t-il ?

Il faut savoir qu’il y a deux aspects dans le régime des indemnisations : celui des calamités, déclenché normalement pour les productions non assurables, et le régime de l’assurance récolte. Ce dernier n’est pas suffisamment utilisé par les exploitants pour des raisons de coûts. Par ailleurs, après un certain nombre d’années de petites récoltes liées aux aléas climatiques, il perd de son intérêt et de sa pertinence. Une réelle réflexion doit être menée sur son redimensionnement.

Certaines annonces ont été faites rapidement et vont dans le bon sens : il faut le reconnaître. Il faut qu’elles se détaillent et se déclinent. Mais il va falloir beaucoup d’argent, car certains ne s’en relèveront pas. Il sera nécessaire de les accompagner économiquement, socialement, humainement. J’ai rencontré des arboriculteurs qui m’ont dit avoir perdu 400 000 € de chiffre d’affaires. C’est un exemple parmi d’autres, mais on comprend très vite que même avec l’ensemble des aides mises bout à bout, ce sera très difficile de combler. Certes, ce coup de pouce n’a pas forcément cette vocation, mais c’est un vrai séisme économique qui va se déclencher en cascade dans nos productions et qu’il conviendra de suivre dans le temps. Pour s’en remettre, il faudra malheureusement des années. Les exploitants et les entreprises ne peuvent pas se permettre aujourd’hui, dans le contexte économique qui est le nôtre, de subir des crises à répétition et des ravages climatiques de cette nature aussi rapidement.

Quelles solutions pour prévenir et accompagner ces épreuves ?

Pour lutter efficacement contre le gel, des méthodes existent, comme l’aspersion. Pour cela, il faut de l’eau et donc créer des réserves pour la stocker. Nous allons devoir passer la vitesse supérieure, en créant davantage de retenues. C’est bien plus efficace que de devoir faire appel à la solidarité nationale. Quant à l’assurance récolte, il est temps que l’État et la profession parviennent à concevoir un modèle qui soit réellement efficace, car c’est un bon outil.

Du côté des organisations professionnelles agricoles, chacune apporte sa pierre à l’édifice pour décliner les mesures mises en place de la manière la plus réactive et pertinente. À la MSA, nous étudions chaque situation de façon attentionnée. C’est important car les dégâts climatiques se transforment en catastrophe économique, provoquant un choc psychologique et une situation de détresse. Nous n’avons pas besoin d’attendre de plan du gouvernement pour cela, c’est dans notre ADN.

Nous mobilisons notre réseau de sentinelles, nos élus sur les territoires. J’ai moi-même participé aux côtés de nos partenaires et du préfet à des visites d’exploitations. C’est important d’avoir cette vision du terrain, c’est là que prend tout l’intérêt de notre rôle d’élu et c’est la valeur ajoutée de notre modèle.

Photo : © MSA Dordogne, Lot et Garonne